SOIXANTE QUATRIEME JOUR : LE 12 DECEMBRE 2019






     Quelle nuit d'enfer !  9 heures de sommeil non-stop ! Une vraie nuit de bébé ! Est-ce le vin birman ? Est-ce la qualité supérieure de la literie de l'Inlé Resort ? C'est tout simplement le calme du parc et la fraicheur du à  l'altitude  qui ont favorisé notre cocooning sous la couette . En tout cas il fallait ça pour récupérer de la fatigue du à nos avatars digestifs de Bagan . Dès que nous sortons le bout du nez du lit , nous sommes saisis par le froid de la chambre ! Nous n'aurions jamais pu imaginé claquer des dents  de la sorte en Birmanie avant d'être venu dans l'Est du pays ! La douche bien chaude a tôt fait de nous ravigotter . En traversant le parc pour aller prendre le petit déjeuner , nous finissons de nous réchauffer en trainant un peu au soleil . Au dessus de nos têtes nous entendons déjà le souffle caractéristique des réchauds de montgolfières qui partent admirer le lever de soleil sur le lac Inlé . Parvenus dans la grande salle de restaurant , nous sommes amusés par le personnel qui va et vient emittoufflé dans de gros manteaux et couvert de bonnets de laine ! Il faut dire que les tables sont dressés à la fois en terrasse et dans l'immense salle dont les portes restent grandes ouvertes ! Le pauvre cuisinier , condamné à ne portait sur la tête qu'une mince toque blanche en papier, claque des dents devant son réchaud installé en plein air . Même la réserve de café est dehors , ce qui fait que lorsqu'il arrive à table , il est déjà froid .




            Nous profitons d'être en avance pour aller nous balader jusqu'au bord du lac Inlé . Parvenus à l'embarcadère nous admirons les jeux de lumière  que nous procurent les rayons du soleil sur la brume: celle-ci court à pas feutrés à la surface de l'eau ,s'effilochant sur les bouquets de roseaux pour aller un peu plus loin masquer la base des cabanes sur pilotis .Nous restons là un moment à admirer ce subtile ballet , rendu encore plus majestueux par le silence du matin . On dirait que les pendules se sont arrêter  ! Seuls quelques canards osent rompre cette incomparable harmonie . Il a fallu l'intervention de ces troubles-faites pour que j'ose mettre en batterie l'appareil photo . Une fois le plein de zénitude terminé , nous nous décidons à rentrer à notre tanière afin de préparer notre sac à dos . En effet  une nouvelle journée de visite au fil de l'eau nous attend car nous partons encore en pirogue sur le lac jusqu'à ce soir !



            Comme prévu nous retrouvons Zaw vers 8h45 à la réception de l'hôtel où nous discutons un moment avec le directeur : il nous apprend que les taxes d'importation en Birmanie peuvent atteindre 350 à 400 % sur des produits comme les vins ou les voitures . Il nous parle un peu de son propriétaire qui a une allure de petit paysan birman avec son chapeau de paille et son longyi mais qui possède deux établissements comme celui-ci et quatre Mercédes . Il nous apprend que le classe moyenne est assez développé car les cent écoles privées de Yangon affichent complet alors que les frais scolaires s'élèvent  à mille dollars US par mois ! Il parait aussi que pas mal de Birmans possèdent une voiture . Une fois que tout notre petit groupe est là , nous embarquons comme hier à bord de deux pirogues à moteur pour retourner à In Paw Khone et c'est reparti pour trois quart d'heure de traversée du lac en diagonale . Ce matin  , ce n'est pas drôle à cause du froid : insuffisamment vêtu , je me pèle devant ,au point que je finis par mettre mon sac à dos comme protection sur ma poitrine ! Pour couper la monotonie de cette longue navigation ,notre pilote s'approche de pêcheurs en pirogue qui rament avec le pied droit pendant qu'ils tendent un filet entre un bambou planté dans le fond du lac et leur deux mains restées libres . Encore une fois, nous restons admiratifs devant leur équilibre sur une jambe , debout sur leur étroite embarcation . Un peu plus loin , nous approchons d'une pirogue de la taille de la notre, où cinq ou six autochtones s'affairent à arracher les algues du fond à grands coups de perches en bambou pour les charger à bord , certainement afin de servir d'humus dans les fameux jardins flottants que nous devons aller visiter cette après midi  .



             Une fois arrivés en ville , à peine débarqués sur le ponton du restaurant où nous avons mangé hier midi , nous grimpons cette fois par couple ,à bord de petites pirogues à rame manoeuvrées avec beaucoup de dextérité par des villageoises au visage peinturluré avec du thanaka .Elles nous emmènent visiter leur village proprement dit , c'est à dire que nous commençons par remonter un dédale de petits canaux passant entre les habitations sur pilotis . L'eau propageant admirablement les sons , nous partageons aussitôt la vie quotidienne de cette cité lacustre . Ici on voit une ménagère faire la vaisselle , là une autre attaque sa lessive ,sur le petit ponton de leur maison où se trouve amarrée leur pirogue personnelle . Plus loin c'est une paysanne qui nettoie la porcherie à grands coups de sceau d'eau jetés sur le plancher à claire-voix , en bambou bien sûr . Nous tournons dans une autre "ruelle" et notre attention est attirée aussitôt par des bruits de basse-cour car la propriétaire est entrain de jeter du grain sur la terrasse où gambadent librement les gallinacés tout en battant des ailes  . En avançant encore un peu ,nous entendons cette fois les ânonnements d'élèves : et oui , nous sommes entrain de longer l'école, sous laquelle en y regardant de plus prés, nous voyons "deux bus scolaires flottants" , chaque embarcation étant dotée d'une quinzaine de banquettes doubles  , séparées en leur milieu par une longue rampe de sécurité en inox ! Sous la maison voisine , toute la famille est réunie debout devant des filets qui pendent, avec chacun une navette de fil de pêche  dans les mains ,pour en réparer les trous . En face un vieillard  fend de petites bûches pour la cuisine de ce midi alors que son fils est occupé à assembler des panneaux de bambous tressés ,pour construire un nouvel abris : plus précisément , il habille une charpente qu'il a certainement dressé lui-même les jours précédents . Notre pilote tourne à nouveau à angle droit pour longer la poste, dotée d'une boite aux lettres flottantes , balançant nonchalamment au gré des remous du lac  , juchée sur un radeau de gros bambous. Nous ne savons pas où regarder , tant le spectacle est partout . De temps en temps nous relevons la tête ,attirés par les cris et les gestes frénétiques de bambins , qui veulent attirer notre attention . Un menuisier nous fait sursauter en mettant une ponceuse en route pendant que sa mère , assise  en tailleur à l'autre bout du ponton , allume un gros cigare . C'est prodigieux de pouvoir partager la vie de ces Inthas en glissant au fil de l'eau ,sans avoir la désagréable impression de déranger . Aussi nous ne voyons pas le temps passer et nous sommes tout surpris lorsque nous nous retrouvons devant notre ponton de départ .




            Nous récupérons maintenant nos grandes pirogues à moteur  pour nous rendre chez une famille de huit personnes qui accepte de nous recevoir et qui doit donner un cours de cuisine à nos chères épouses . Dans la précipitation de l'embarquement, Annie met son pied sur le plat-bord de notre pirogue et hop , voilà d'un seul coup notre embarcation penchée à plus de 60 degrés . C'est impressionnant quand on tourne de dos à la scène et que l'on n'est  pas encore caler dans son fauteuil ! A peine arrivés , notre hôtesse dont le mari est chef dans un restaurant de la ville, offre un tablier à chacune de nos moitiés puis répartit les tâches . Ici on épluche les christophines et les oignons , là on taille les tomates en petits dais , plus loin on pile le gingembre et l'ail dans un mortier pendant que la responsable commence à faire chauffer l'huile de tournesol  dans une poêle . Sur la table ,elle prépare les condiments : sel , poivre , curcuma , ail . Elle mélange ensuite les tomates , les morceaux de poisson(tilapia) et les condiments ; nos épouses apprennent à disposer ce mélange dans un morceau de feuille  de bananier qu'elles replient pour en faire des aumônières . Celles-ci sont ensuite mises à cuire à la vapeur . Les quartiers de christophine sont roulés dans de la pâte à beignet puis plongés dans l'huile bouillante pour les faire dorer .  Dans un  plat à wok garni d'huile bouillante, elle plonge les dais de poulet , les tomates , les oignons , le curcuma et l'ail et le gingembre écrasés dans le mortier pour faire un curry . Pendant ce temps ,je vais discuter avec le beau père de notre hôtesse entrain de boire le thé en terrasse avec sa mère âgée de 90 ans accompagnée de ses copines guère plus jeunes .Dès que la salade de tomate agrémentée de cacahuètes est prête , nous passons à table . Celle-ci , très basse , est dressée sur une natte . Devant nos difficultés à rester assis en tailleur , elle nous propose des mini tabourets . Nous attaquons le repas par une soupe de citrouille avec des morceaux garnis de leur peau . L'ensemble  des plats est plutôt réussi et d'un commun accord on peut dire que nous chères moitiés sont aptes à recevoir des Birmans  purs souches à la maison !


















            En début d'après midi, Zaw commence par nous faire visiter un atelier d'argentiers  de l'ethnie Padaung ,qui travaillent encore à l'ancienne , équipé d' une forge bricolée avec un vieux soufflet et des tuyaux de récupération .Le responsable nous fait une démonstration de martèlement d'une pièce sortant des braises , plongée au préalable dans l'eau froide . Des ouvriers sur l'établi d'en face assemblent de minuscule chaînons pour réaliser un pendentif . Une vendeuse nous montre ensuite certaines réalisations de l'atelier , tels que des poissons articulés , des gobelets en argent ciselés et de petits vases . Rapidement nous récupérons nos pirogues pour aller voir un atelier de tissage, tenu par des "femmes-girafes" ; c'est horrible de voir leur cou allongé par une succession d'anneaux de cuivre qui forment une sorte de minerve ,interdisant toute flexion . Il parait que c'était pour se garantir des piqûres de tiques car elles portent également des anneaux aux jambes . Nous sommes surpris par le poids de tels dispositifs et  aussi par le fait que des êtres humains puissent supporter un traitement aussi barbare . Pauvres "femmes-girafes"!







            Nous reprenons notre balade nautique pour aller voir la pagode Shwe In Tain . Il faut d'abord sortir de In Paw Khone en empruntant un dédale de canaux  pour ensuite remonter la plus importante des vingt rivières qui alimentent le lac Inlé  , appelée Indhein . Relativement étroite , elle est dotée d'un courant assez violent . Les autochtones ont donc construit une succession de barrages en bambou, tout en laissant libre un étroit passage au centre du lit, qu'il faut franchir à grand renfort de coups d'accélérateur pour sauter la marche . Notre pirogue se cabre de façon inquiétante à chaque passage de ces rapides pour retomber brutalement à plat une fois l'obstacle franchi, en soulevant d'énormes gerbes d'eau de part et d'autre de la coque . Bonjour les embruns ! Il faut que je protège l'appareil photo ! Le long des berges,  des riveraines font la lessive ou se lavent dans la rivière . Des hommes déchargent des sacs de ciment apportés par des pirogues de transport . Au bout de vingt minutes nous atteignons  le village de Indhein qui est un terminus pour la navigation à cause d'un barrage pour l'irrigation . Là, nous empruntons un large chemin qui suit le lit de la rivière . Nous y rencontrons des femmes en tunique noire de l'ethnie Pa-O qui vendent des écharpes multicolores qu'elles transportent empilées sur leur tête . Après avoir essuyé leur assaut afin de nous vendre quelque chose , nous continuons à grimper à flanc de coteau . En route nous voyons une autochtone qui fait cuire des galettes de pâte de riz gluant sur des graviers chauffés sur la braise . C'est amusant de voir que la chaleur intense des graviers boursoufle instantanément la galette tout en la faisant devenir blanche alors qu'elle était marrons en étant crue . Nous empruntons maintenant un immense couloir dont le toit est soutenu par une colonnade qui aurait été construite vers 1950  et qui mène au temple Shwe Inn Tain dont la construction s'est échelonné du XVII ème au XIX ème siècle . Autour du temple on dénombre pas moins de 1054 stupas, en plus ou moins bon état . Certaines sont en cours de restauration . A l'époque ,elles ont été offertes par des familles aisées en remerciement d'événements heureux ou à la mémoire d'un défunt . En grimpant sur la colline, on découvre avec étonnement une véritable mer de stupas , en briques brutes , en crépi blanc , ou dorées avec derrière ,  en toile de fond ,la vallée du lac Inlé . Le site est vraiment superbe .Pour faire plaisir à Zaw , nous poussons le zèle à nous déchausser et à visiter le temple par lui même qui n'a aucun intérêt pour qui n'est pas bouddhiste .
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            Nous reprenons ensuite nos pirogues pour redescendre la rivière dans le sens du courant cette fois , puis une fois sur le lac ,nous empruntons une série de chenaux de plus en plus étroits pour aller voir de plus prés les jardins flottants . Nous croisons toute une série de petites pirogues chargées de légumes et aussi de tiges qui ressemblent à du lotus, soigneusement rangées en gros fagots . Notre pilote finit par nous arrêter le long d'un interminable cordon de jacinthe d'eau sur lequel il se met à monter à pieds pour nous montrer que c'est relativement solide au  point de soutenir le poids d'un homme . Sur ces longs  cordons de verdure , renforcés par une bordure de gros bambous  ,les villageois font pousser des pieds de tomates et des lianes de christophines qui courent sur des tonnelles de bambous . On voit aussi des haricots , des fèves et différentes sortes de courges . Puis nous taillons la route du retour vers l'hôtel dans la chaude lumière de fin d'après midi qui dore les montagnes bordant le lac . En route nous arrêtons pour regarder des pêcheurs manipuler d'énormes nasses en bambou,  de forme conique, qu'ils descendent verticalement jusqu'au fond du lac ,pour y emprisonner des poissons , qu'ils harponnent ensuite en plongeant un long trident .




            Une fois rentrés , je me plonge dans la rédaction du blog en dégommant un cigare en vrai tabac ,face à un marigot voisin de notre chambre . Puis avec Dominique ,nous allons assister au coucher du soleil sur le lac Inlé depuis l'embarcadère . Le cirque de montagne qui entoure le lac passe alors par toutes les nuances de l'orange pour finir par une belle palette de mauves . Du grand spectacle ! Vers 19h00 nous allons manger au resto de l'hôtel qui a été transféré dans une petite salle, étant donné le peu de clients restant dans l'établissement . Avec ses trois cents chambres , le directeur se morfond . Il accuse les journalistes d'avoir monté en épingle les incidents survenus entre musulmans et bouddhistes dans le nord de la Birmanie . Avec le procès de La Haye qui bat son plein actuellement , cela ne risque pas d'arranger ses affaires . Nous nous contentons de pâtes Carbonara car  les tarifs sont salés et nous en prenons déjà pour 10 dollars par tête .






Commentaires

  1. Solange et Rémi merci de nous faire voyagé avec vous, vous avez fait un magnifique voyage. Le retour approche, vous n'aurez pas le même temps au retour.

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