SOIXANTE DEUXIEME JOUR : LE 10 DECEMBRE 2019


 




      Aujourd'hui nous doublons l'étape à Kalaw , ce qui veut dire "cool la vie" ce matin ! Il n'est pas trop tôt, après cet enchainement de lever aux aurores des jours précédents .D'ailleurs, nous avons fixé le rendez vous avec Zaw à 9h00 , c'est tout dire ! Ce qui est dommage, c'est que pour une fois que nous pouvons trainer dans la chambre , il y fait un froid polaire . D'après la météo locale il ferait 9 degrés ce matin et je peux vous dire que dans une grande pièce d'au moins 25 mètres carrés avec une hauteur sous plafond de 3 mètres cinquante ,sans chauffage hormis le sèche cheveux , c'est gla-gla ! Nous nous octroyons malgré tout un café au lit avec la couette remontée jusqu'au bout du nez , histoire de retarder le  plus possible l'heure fatidique du lever . Même simplement  pour taper sur l'ordi, j'ai les doigts glacés . C'est certainement un bon entrainement pour notre futur retour en France où le thermomètre ne dépasse pas beaucoup le zéro , mais c'est très dure pour nous qui venons de passer deux mois à transpirer sous le soleil des tropiques ! Aussi après l'épreuve de la douche qui se révèle musclée , nous nous dépêchons de descendre au petit déjeuner avec l'espoir de nous réchauffer dans la salle de restaurant . Et bien non ! La porte grande ouverte sur le jardin , les immenses baies dégoulinantes de buée nous mettent tout de suite dans l'ambiance polaire , le meilleur endroit pour se réchauffer étant devant le grille-pain : mais là , pas de chance , c'est un "monsieur-dame" qui me prend à parti en dandinant du croupion : "je me permet , hi hi hi , je glisse mon toast derrière le votre , hi hi hi !" Mon côté hétéro militant me fait reculer immédiatement de deux pas avec une grimace de dégout largement affiché sur le visage , ce qui ne rebute aucunement notre coquin : " votre toast est tombé , hi hi hi ..., je me permets , je le remets derrière le mien  , hi hi hi... !"  Baaaah! J'en ai des frissons dans le dos ! Et Dominique d'ajouter : "ma parole , Pierre , tu les attires ...!"






            Depuis que nous sommes en pays Shan , nous avons tous remarqué que les autochtones étaient beaucoup plus travailleurs que les "Burma" de la région de Bagan ou de Mandalay . Il est vrai que le climat moins accablant permet de travailler d'avantage mais ici les cultures sont impeccables , les parcelles bien découpées et bien ordonnées . Au restaurant , à l'hôtel  et dans les magasins ,nous avons rencontrés des gens beaucoup plus raffinés dans leur tenue et leur attitude . Chez les artisans leurs produits sont fabriqués avec beaucoup plus de goût et de délicatesse . D'après les guides ils s'agirait de Thaïe qui aurait accompagné Kubilaï Khan (le fils de Gengis si mes souvenirs sont bons ) lors de son invasion de l'Empire de Bagan .





            Comme convenu nous quittons Kalaw vers 9h00 pour aller visiter un campement d'éléphants distant d'une quarantaine de kilomètres . D'après Zaw la ville de Kalaw serait peuplée de 32 000 habitants . En sortant de la ville, nous longeons une pagode particulièrement kitch, tapissée d'éclats de miroirs qui brillent dans le soleil du matin . Nous attaquons une petite route de montagne en cours de réfection : ici tout se fait à la main : on casse les pierres en petits cailloux à coups de masse , on transporte à   dos d'hommes , ou plus exactement de femmes dans des paniers en bambous , on porte le goudron à l'aide d'une branche passée  au travers d'un bidon et malgré tout le résultat n'est pas mal ,avec une chaussée relativement lisse . Le but de ce chantier colossale est de réduire le nombre impressionnant de virages en taillant les talus à gauche pour combler les ravins de droite . Il faut dire qu'actuellement il faut encore prés de dix heures pour aller de Bagan au lac Inlé ! Quand on a la possibilité de regarder vers le bas  on voit que le fond de la vallée est envahi de plantations de bananiers .Après être restée en corniche sur une vingtaine de kilomètres offrant une succession de jolis paysages , voilà que la route plonge vers le fond de la vallée . Nous profitons d'une épingle à cheveux pour faire un arrêt photo et également profiter du panorama à 180 degrés sur les montagnes couvertes de forêts luxuriantes . A mi pente commence le domaine des bananiers sous lequel s'enfoncent des familles d'autochtones  pour aller cueillir les régimes  déjà murs . En bas dans   le fond de la vallée, on voit maintenant le village de Ma Gway .




            Une fois en bas de la côte ,nous tombons aussitôt sur Green Hill Valley , la fameuse réserve d'éléphant que nous devons visiter . Nous abandonnons le bus pour grimper un chemin bétonné très pentu afin de gagner la réception . Là , un responsable commence par nous faire une présentation du programme destiné à protéger ces pachydermes très menacés par la déforestation, la réduction de leur espace vitale par la construction de routes et aussi à cause des chasseurs  pour les défenses , pour la peau , pour les poils de la queue et récemment pour la viande de la trompe !! C'est effrayant  ce que l'homme peut devenir bestial ! Il nous rappelle que les éléphants d'Afrique , plus grands , sont encore un demi millions alors que ceux d'Asie sont à peine 350 000 . Ici en Birmanie il en resterait 2 000 à l'état sauvage mais qu'un à deux par semaine sont tués par les braconniers . Les centres comme celui-ci permettent de prendre en charge le "chômage" des éléphants de moins en moins utilisés pour le transport des arbres abattus en forêt . Ici ils ont 7 femelles , pour la plupart âgée de 60 à 69 ans , deux seulement n'ayant qu'une quarantaine d'années , et un mâle de 11 ans qui  a été retrouvé orphelin . Il sera adulte dans trois ou quatre ans . Il existe encore des exploitations forestières qui les utilisent mais elles se font rares ; il parait qu'un éléphant peut soulever une tonne avec sa trompe .




            Après nous avoir offert une gourde isotherme , nous partons pour une balade à travers le parc qui mesure 200 hectares et qui emploie 48 personnes . Notre chemin longe un petit hameau fait de jolies maisons sur pilotis , construites en bambou où logent les cornacs . Nous commençons par aller voir une femelle dont le cornac est entrain de soigner les pâtes en enlevant les petits cailloux plantés dans ses plantes de pieds . Il nous montre qu'un éléphant transpire uniquement au niveau du raccord entre les ongles et la peau des pattes . Nous allons ensuite retrouver trois autres femelles attachées sous une paillote pour apprendre à les nourrir . Dans de grands paniers,  des employés préparent des morceaux de citrouilles , des rondelles de troncs de bananiers et une pâte à base de blé et de citrouille . Nous apprenons à montrer d'abord le morceau choisi en le mettant sur le côté de la tête car  l'éléphant a 67 degrés d'angle mort devant lui , puis il faut soit lui laisser prendre avec le doigt du bout de la trompe , soit le mettre directement au fond de la bouche où nous voyons les quatre énormes dents avec un dessus conçu comme un rabot à six lames .Le fin du fin consiste à prendre une rondelle de bananier , d'étaler un peu de pâte  dessus et de coller ensuite une tranche de citrouille , le sandwich pour éléphant comme le baptise notre guide ! Il nous confirme qu'un éléphant mange autour de 200 kilos de végétaux par jour pendant 16 heures .  Ici les animaux sont nourris par le personnel et les touristes le matin et après 15h00 c'est la balade en forêt où ils peuvent avaler tout ce qu'ils rencontrent sur leur passage .




            Nous partons ensuite pour assister au bain . Comme Isabelle adore ces pachydermes et qu'elle a mis un certain zèle à les nourrir , elle se trouve toute désignée pour s'occuper de la toilette de la plus âgée des éléphantes  . Pour cela on l'invite à se changer puis nous grimpons un chemin le long d'un torrent jusqu'à un endroit propice au bain . Une fois le pachyderme posé au fond du cours d'eau, le cornac et Isabelle se mettent à le frotter énergiquement avec une poignée de racines . C'est l'occasion pour nous de faire quelques photos . Puis nous allons jusqu'à l'infirmerie où nous rencontrons le vétérinaire qui est l'instigateur de se projet . Agé de 80 ans , il a consacré sa vie à soigner ces pachydermes et depuis la retraite avec plusieurs membres de sa famille il gère cette réserve qui ne vit que grâce aux droits d'entrée des touristes  , le centre ne recevant aucune aide gouvernementale ni privée  . Il nous apprend que la masse sanguine d'un éléphant représente 3 pour cent de son poids et que , si sa température rectale est sensiblement la même que la notre autour de 37 degrés , sa température cutanée peut atteindre plus de 50 degrés ! .



            Nous regrimpons maintenant jusqu'à la réception pour rejoindre le restaurant de la réserve , installé sous une grande paillote . On nous sert d'abord une soupe aux haricots rouges et aux oignons qui se révèle excellente , bien qu'un peu épaisse à mon goût . Puis nous dégustons des samoussas , sortes de petites aumônières triangulaires fourrées avec des pommes de terres , des oignons et de l'ail , servis avec une sauce comme celle des nems .Ensuite on nous apporte des crêpes assez épaisses que l'on peut fourrer soi-même avec du curry de poulet , des pommes de terres et une jardinière de légume . Ce n'est pas mauvais mais assez bourratif quand même . On termine par une banane frite servie avec du miel liquide puis un café . Pendant le repas le boss vient nous saluer : dans un français plus que parfait ,il nous explique qu'il est parent avec le vétérinaire  et que son projet date de 8 ans maintenant .Nous lui parlons de notre visite chez Wendy Leggat qui s'occupe d'une réserve identique  au Laos et qu'il connait , nous dit-il . De son côté il n'envisage aucune tentative de reproduction mais espère pouvoir continuer à protéger l'espèce en s'occupant des éléphants se retrouvant à la "retraite" ou au" chômage" , ce qui explique la moyenne d'âge de ses pensionnaires . Il conclut en nous remerciant pour notre contribution  financière grâce aux frais d'entrée que nous avons réglés par l'intermédiaire de Motaïba .





            Nous allons ensuite voir un squelette de pachyderme exposé sous un auvent , ce qui nous permet de voir de plus prés l'aspect des dents , l'embase des défenses et de constater qu'ils possèdent 19 côtes  et 18 vertèbres dans la queue . Personnellement je suis étonné par le diamètre de leur fémur . Notre guide nous montre que leur démarche délicate vient du fait qu'ils reposent sur le bout des orteils et qu'au niveau du talon le calcanéum que nous avons est remplacé par une masse molle,  servant d'amortisseur . Nous avançons ensuite jusqu'à un atelier de fabrication de papier à partir des crottes de pachyderme qui ne sont rien d'autres qu'un broyat de fibres de bois , c'est à dire de la pâte à papier . Il suffit de  les faire bouillir dans de l'eau pendant une dizaine d'heure , puis de malaxer le mélange avant de l'étaler sur un linge tendu dans un cadre de bambou . Après séchage on obtient un papier grossier ,qu'il suffit de presser pour pouvoir s'en servir à des fins décoratives . Notre guide nous fait ensuite visiter leur potager où l'on utilise aussi les déjections de pachydermes comme engrais . Il ne nous reste plus qu'à le remercier cordialement  pour sa superbe présentation des lieux et à regagner le bus pour rentrer sur Kalaw .




            Une fois en ville Zaw nous fait visiter le marché local qui n'a aucune particularité par rapport aux nombreux autres  spécimens que nous avons pu parcourir de long en large .Puis nous continuons la visite de la bourgade en allant jusqu'à la gare desservit par quatre trains quotidiens . Ici il n'y a pas de tableau annonçant les départs ou les arrivées, mais des dessins représentant une locomotive et un certain nombre de wagons , s'adressant vraisemblablement à une population en partie analphabète .Nous grimpons ensuite une colline pour aller voir une église baptiste avec au dessous l'orphelinat qui en dépend  . Résultat il est 17h00 lorsque nous rentrons dans notre glaciaire où nous nous armons aussitôt contre le froid : bourrage de tissus au bas de la porte fenêtre pour boucher la fente d'un bon centimètre qui gèle nos pieds , mise en route du sèche cheveux accroché sur la valise à roulette et de la bouilloire  , remplissage de la baignoire avec de l'eau chaude  , fermeture des rideaux devant la grande baie . La soirée à se geler les meules sera longue à mon avis  , comme un jour sans pain !! La clim inversée reste une illusion proposée par la direction . Aussi comme hier , nous faisons sauter un bouchon pour compléter notre tentative de réchauffement  : aujourd'hui nous goûtons le rouge de la même cave , millésime 2017 . Comme pour le blanc , il s'agit d'un vin qui a peu de corps , qui est court en bouche ,avec  une palette gustative étroite , ce qui en fait un vin de table acceptable malgré tout . Vers 19h00 nous descendons au resto de l'hôtel où nous nous retrouvons seul alors qu'hier c'était complet avec trois grands groupes de touristes .




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