VINGT-SIXIEME JOUR : LE 4 NOVEMBRE 2019


      Fini le farniente , fini le week end prolongé de Toussaint . Ce matin il faut s'activer car nous devons rencontrer notre nouveau guide à 7h30 et surtout , nous avons une longue étape de 300 km vers le nord en direction de  Battambang . Toute la nuit Dominique a été malade , victime d'une sévère tourista ! Et puis nous avons de mauvaises nouvelles de France qui nous cassent le moral .C'est toujours très dur de savoir qu'une amie chère souffre loin de nous et que nous  ne pouvons pas lui venir en aide ! La journée s'annonce donc très  difficile . Une petite mise au point concernant la journée d'hier qui a tournée au fiasco : si Motaïba ne nous avait pas laissé sans guide , uniquement à la merci de chauffeurs dépourvus de GPS et de connaissance de la capitale , nous n'aurions pas loupé lamentablement le Musée du Génocide . Ce n'est pas que  nous soyons portés sur le spectacle des horreurs mais c'était surtout pour mettre en image , pour essayer peut être de mieux comprendre nos nombreuses lectures se rapportant à ces quatre années de terreur qui firent 2 millions de morts soit un quart de la population du Cambodge entre 1976 et 1979 . En voulant instauré un régime communiste égalitaire , dépourvu même de monnaie , les Khmers Rouge ont fait table rase du passé , détruisant tout ce qui représente le savoir , les coutumes , les traditions , l'âme d'un pays  ,massacrant les intellectuels , les artisans , les bonzes , "l'homme du passé" pour forger dans le sang" l'homme nouveau" juste bon à cultiver le riz et surtout à ne pas réfléchir .


            Un peu avant 8h00 nous rencontrons Ka , notre nouveau guide , qui propose de réparer la bavure d'hier, en nous déposant au Musée du Génocide . Il ne pourra pas rentrer avec nous étant donné qu'il n'a sa licence de guide que pour le nord du Cambodge . Le musée est installé dans le centre de détention et de torture , appelé S 21 ,créé  par les khmers rouges dans un ancien lycée . C'est ici que Duch , le tortionnaire principale du régime khmer , fit deux millions de victimes . Malgré notre importante préparation, par la lecture et même par la projection du film S-21 ,réalisé par un cambodgien ayant perdu la totalité de sa famille dans la tourmente , nous prenons un sacré coup derrière la casquette . Le fait de voir ces étroites cellules , ces sommiers métalliques sur lesquels étaient enchainés les prisonniers , la photo des victimes dont les yeux traduisent l’incompréhension , le désarrois et surtout la peur . La peur de la souffrance , la peur de la torture , la peur de la mort . Et cette potence dans la cour qui servit auparavant pour les élèves pour le sport , sinistrement reconverti en instrument de torture ; on y hissait les prisonniers par les bras attachés dans le dos et pour compléter l'horreur , on leur plongeait ensuite la tête dans des jarres remplies d'excrément ! Les prisonniers , arrêter arbitrairement , devaient avouer des fautes imaginaires qu'ils consignaient dans une confession écrite . S'ils n'acceptaient pas ou qu'ils minimisaient leurs péchés imaginaires , ils étaient torturés à nouveau . Une fois que leur confession était acceptée par Duch , le prisonnier était éxecuté d'un coup de barre de fer sur la nuque , puis égorgé et enfin précipité dans un charnier .L'homme peut vraiment devenir un monstre ! Pas un seul animal de la planète n'est capable d'imaginer de telles atrocités . Peu de cambodgiens viennent visiter ces lieux sinistres alors que pas une seule famille n'a été épargné par le génocide , pas même les gardiens dont prés de deux cents figurent parmi la liste des victime . Quant à  la jeunesse cambodgienne , elle préfère tirer un trait su le passé , oublié , sans se soucier du devoir de souvenir  comme nous le pratiquons chez nous . Ici nous sommes au pays du sourire et de l'insouciance .




            On profite des embouteillages pour parler des généralités , en particulier de la Fête de l'Eau qui aura lieu à partir du 14 novembre et qui durera 3 jours . Chaque région est représentée par une barque contenant chacune 20 rameurs . Une course a lieu sur le Tonlé Sap  , affluent du Mékong ,devant le Palais Royal . Le roi vient donc assister aux épreuves de navigation et récompense les gagnants , en compagnie du Premier Ministre , en offrant une somme de plusieurs millions de riels .On parle aussi de la période du Protectorat Français , plutôt bien vécu , car les Français ont toujours protégé le Cambodge contre ses deux voisins envahisseurs , le Vietnam et la Thaïlande . Ils ont aussi amené l'administration , l'éducation , la santé ainsi que le réseau routier .Il n'y a pas eu , non plus comme au Vietnam ,d'affrontement armée pour conclure cette fin de colonisation . En sortant de Phnom Penh , à dix kilomètres du centre ville nous traversons un quartier Cham ,  musulman , do nt on voit une superbe mosquée sur notre gauche .Au bout de quarante kilomètres , nous voyons Oudong sur notre gauche , vestige de l'ancienne capitale khmer au XVIII et  XIX ème siècle .Sur un mont pas très élevé qui se dresse dans la plaine nous voyons déjà la silhouette de plusieurs stupas se découper  à contre jour sur le bleu du ciel . A l'entrée de Oudong , nous assistons à des funérailles où les autochtones *s'habillent en noir ou en blanc .Les funérailles coûtent 500 dollars pour deux jours pour payer les bonzes qui psalmodient des  prières au micro et la nourriture pour la famille et les amis . En échange , ceux-ci fo nt  des dons . Chez les riches la cérémonie peut durer 8 jours .




            Il faut attendre la quatrième voiture , celle de Michèle et Jean-Marie , suite à un contrôle de police  : le véhicule est bloqué avec le chauffeur . Comme une des trois voitures doit aller chercher  les Argout et leurs bagages , Ka nous octroie  une heure pour monter les 500 marches qui mène à la superbe stupa que nous voyons derrière les arbres , en haut de la colline . Arrivés à mi-pente, il faut se déchausser pour finir l'ascension .La récompense est à la hauteur de l'effort . La stupa , couvertes de bas reliefs , est décorée de sculptures d'éléphants et de lions sur les arêtes . En plus , de là-haut le panorama sur la plaine du Tonlé Sap est superbe . Sur l'autre face de l'édifice , nous bénéficions d'une vue aérienne sur un ensemble pagode-bouddha gigantesque ,reliés entre eux par une allée bordée de sculptures . En redescendant l'interminable escalier sous une voûte de verdure , nous pouvons admirer  de part et d'autre , des bassins aux eaux vertes dans lesquels nous pouvons voir de jolis reflets .

















            Dès que Michèle et Jean-Marie ont réintégré le groupe ,nous attaquons la visite du marché de Oudong  , qui a la particularité d'être un marché pour le pique-nique : en effet les autochtones viennent ici en famille pour partager un repas en plein air avant de faire la sieste . La sieste est un sport  national , pratiquée  dans le hamac ,sous la maison sur pilotis après le repas de midi , les paysans travaillant très tôt le matin . En longeant les étales ,nous voyons des autochtones faire  griller des nids d'abeilles sur la braise que l'on croque  comme une pâtisserie . Plus loin , ce sont des brochettes de crapauds entiers qui rôtissent : j'en partage une avec Christian . Nous nous contentons de manger les pattes arrières caramélisées avec du miel qui se révèlent excellentes .Il y aussi beaucoup d'espèces de poissons qui grillent un peu partout sur des barbecues . Ka nous explique qu'il s'agit essentiellement de poissons d'eau douce ,souvent pêchés  dans les rizières . Côté fruits , nous voyons des tranches de bétel séchées , prêtes à être mâchée pour faire une chique dans la bouche , ce qui colore les dents  du consommateur en rouge , des fruits qui ressemblent à une mini  noix de coco avec une coque en bois de la taille d'une pêche plate  , qu'il faut fendre à la machette pour en extraire un fruit blanc .Ce n'est pas très goûteux d'après notre guide . Ce marché a aussi  la particularité de vendre des insectes , des araignées , des serpents et des scorpions pour manger !

















            Nous reprenons notre route vers le nord à travers la plaine,  où beaucoup d'usines chinoises se sont installées :elles fabriquent des textiles , des boissons , des chaussures et même de l'alimentation .Elles emploient de la main d'oeuvre locale qui doit travailler beaucoup pour un faible salaire . Seuls les cadres et les mécaniciens chinois sont logés sur place . Il n'y a ni cantine ni logement de prévu pour les travailleurs cambodgiens . Le long de la route , dans un village bien particulier ,nous voyons des étales où l'on  ne vend que de la viande de chien ou de chat .Bien que  ce soit interdit par la loi , la vente se pratique quand même, mais loin des policiers ! Ka nous explique que c'est comme pour le code de la route , on ne l'applique que devant les flics !!
















            Nous arrêtons après une heure de route pour casser la croûte dans le ville de Kampong Chaam, spécialisé dans la poterie qui compte 300 000 habitants . Ka nous trouve un resto indigène où nous mangeons du poulet frit au gingembre pour  4 dollars US , boisson comprise . Malheureusement , faute ce temps nous sommes obligés de shunter les artisans potiers . A une vingtaine de kilomètres de la sortie de la ville nous commençons à traverser des marigots : ce sont des terres inondées par les eaux du lac Tonlé Sap tout proche  sur notre droite . Nous n'avons pas assez de hauteur depuis la route pour le voir . Etant donné que la région s'est surtout spécialisée dans la pêche , nous  voyons peu de cultures , hormis  des rizières , des bosquets de bananiers et de cocotiers .Entre deux c'est la lande inondable , domaine de petits buissons et des herbes folles où paissent quelques bovins . La route que nous empruntons , qui relie Phnom Penh à la frontière thaïlandaise sur 350 bornes est en cours de réfection ; ce chantier est financé par les Japonais en partenariat avec les autorités cambodgiennes souvent très corrompues . Beaucoup de Vietnamiens pauvres  migrent au Cambodge , et tout particulièrement dans cette région  , sur le lac Tonlé Sap sur lequel ils construisent des maisons flottantes . Tout le long de la route , nous voyons encore un bel échantillon de maisons sur pilotis qui , ici dans cette région , sont équipées de toits en tuiles au lieu de tôles , ce qui les rend plus photogénique . Ka nous explique plus les pilotis sont hauts , plus les propriétaires sont riches .   


















            Nous ne tardons pas atteindre Kompong Luong , un village de pêcheur installé au bord du lac Tonlé Sap qui mesure 135 km de long sur 35 de large à la saison sèche . Pendant les moussons , il prend 10 km aussi bien en longueur qu' en largeur . Nous prenons à droite  ,une petite piste de terre complétement défoncée , bordée de maison sur petits pilotis , particulièrement pauvre , certaines sont démunies de porte , ou d'un mur , certaine se résume à un plancher surmonté d'un toit !! Au bout d'un kilomètre ou deux nous atteignons un  embarcadère où nous grimpons à bord d'une pirogue à moteur pour circuler dans un chenal bordé de maisons flottantes . Parmi les mille cinq personnes  qui habitent ici , trois cent sont d'origine vietnamienne et cohabitent en paix . La misère ça  oblige à se serrer les coudes ! Beaucoup de maisons sont peintes de couleurs vives et certaines possèdent un petit jardin avec de petit arbres . Ici , il n'y a pas  d'eau courante : on récupère l'eau de pluie dans de grand bidons que l'on fait bouillir pour boire . Pour la toilette et la lessive c'est l'eau du lac ! Il n'y a pas d'électricité qui vient de la terre ferme . Les maisons  sont équipées de panneaux solaires et de batteries .Les artisans possèdent même des groupes électrogènes pour travailler le métal à la disqueuse ou souder à l'arc . Nous voyons des commerçantes coiffées d'un chapeau chinois circuler à bord de petites barques chargées de fruits , de  légumes et même de poules dans des paniers . Nous longeons un petit supermarché flottant  .  Plus loin un pêcheur de crevettes fait sécher son butin sur sa terrasse . Parvenus au bout du chenal , nous continuons à naviguer un peu sur le lac avant de faire demi-tour prés d'un sanctuaire flottant où viennent prier les pêcheurs avant d"aller jeter leur filet . Même les rameurs de la Fête de l'Eau viennent  y chercher l'appui des dieux . Bous passons retour devant une station service flottante et un temple bouddhiste avant de rejoindre le débarcadère .


















            Nous reprenons  la route de Battambang sur quelques kilomètres pour nous arrêter dans un village de tailleurs de pierre appelé Pusat ; son carrefour principal est décoré d'une sculpture  gigantesque  taillée dans une pierre verte ,en forme de calice décoré de bas reliefs . Nous visitons deux ateliers où nous voyons les artisans tronçonner des blocs puis les tailler au tour avec des burins fabriqués à partir de fers à béton . Comme il est déjà 18h00 ,  Ka  nous propose de tailler la route car il reste encore deux heures  de trajet avant d'arriver à l'hôtel .Celles-ci paressent interminables dans l'obscurité la plus totale . Nous arrivons à l'hôtel vers 20h00 , bien entamé mais très content de notre super journée de visite bien remplie comme je les aime . Merci Ka  pour ta réactivité face aux changements inattendus et à ton dynamisme qui nous a permis la visite du S-21 et de Oudong auxquelles je tenais tant . Comme nous sommes fatigués nous décidons de manger à l'hôtel ce soir .

       

           

s .

Commentaires

  1. Houtch bon j espère que la touriste de maman sera passée au elle puisse déguster elle aussi une brochette de pattes de crapaud ou du chat/chien...beurk. ca donne pas envie cette fois les découvertes culinaire. Les paysages en revanche sont assez attrayants!

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