QUARANTE TROISIEME JOUR : LE 21 NOVEMBRE 2019
Une bien curieuse étape que nous réserve ce 43 ème jour . Nous abandonnons les 4x4 pour aller à Pakbeng en bateau, en remontant le courant du Mékong vers le Nord pendant que nos chauffeurs tailleront la route seuls avec nos valises . Ca risque d'être sympa cette croisière d'un jour, le seul inconvénient c'est de devoir embarquer à 6h30 , ce qui veut dire prendre le petit déjeuner à l'ouverture du resto vers 6h00 et donc encore et toujours un lever aux aurores , ça n'arrête plus . Sun va finir par avoir notre peau si ça continue !
Comme prévu , malgré l'inertie de groupe ,nous parvenons à partir pour les rives du Mékong dans les temps . Chargés de nos sacs à dos , nous descendons le grand escalier qui mène au fleuve, pour grimper à bord d'un "long boat" de 33 mètres de long . Nous avons la chance qu'il s'agisse d'un bateau privatif réservé spécialement pour nous par Motaïba . En fait ce genre d'embarcation assure des liaisons régulières entre les différentes villes importantes le long du fleuve , vers le sud comme Ventiane ou vers le nord comme Pakbeng . Le plus souvent ces bateaux sont la propriété d'une famille qui exploite l'entreprise par eux même :pendant que le mari pilote , son épouse assure l'intendance à bord en préparant et servant les repas . Par contre ils ne naviguent jamais de nuit, étant donné les nombreux dangers qui existent sur le Mékong , le plus souvent marqués d'une balise en béton . Il faut se déchausser à l'entrée du bateau pour ne pas abimer les magnifiques parquets vernis en bois de rose . Après avoir passer un petit poste de pilotage protégé par un pare-brise , nous traversons un salon surélevé, meublé de banquettes où l'on peut s'allonger . Il faut alors descendre deux marches pour atteindre deux rangées de six tables en teck , séparées par une allée centrale . Nous n'avons plus qu'à nous installer sur les confortables banquettes réparties de chaque coté des tables .
A peine installés au quatre coins de notre navire , le puissant diésel, fort de ses 350 chevaux se met à ronronner . Comme notre embarcation n'est dotée que d'un toit pour protéger de l'ardeur du soleil mais dépourvu de vitre latérale , la maitresse de maison nous distribue aussitôt des couvertures . Nous nous rendons très vite compte que ce n'est pas du superflus avec le vent vitesse : elles se révèlent bien utiles pour faire un peu de cocooning de fin de nuit . D'après Sun , Pakbeng se situe à 160 km en amont , ce qui fait que nous en avons pour un bon six heures de navigation . Après avoir quitté le quai , nous gagnons rapidement le milieu du lit du Mékong . Des nuages de brume effilochent sur les sommets couverts de forêts qui encadrent la vallée . Nous ne tardons pas à passer sous un gigantesque pont en construction qui enjambe le fleuve : il s'agit d'un pont de chemin de fer , le routier étant encore dans les cartons de projets du gouvernement . Notre pilote quitte maintenant le centre du fleuve pour longer la rive droite afin d'éviter des récifs rocheux autour desquels sont amarrées de petites barques de pêcheurs , profitant des remous pour jeter leurs filets .A peine avons nous contourné cet obstacle ,que nous piquons carrément vers la rive gauche cette fois, pour éviter un autre îlot de caillasses qui fend le courant , laissant derrière lui une longue traine d'écume . Sun nous montre aussi , malheureusement d'un peu loin pour les photographe que nous sommes , le bain d'éléphants utilisés pour la promenade des touristes .
A peine avons nous repris le bateau que nous passons à nouveau sous un immense pont de chemin de fer en construction : comme le précédent, celui-ci soutiendra la voie ferrée qui descendra de Chine sur Ventiane et qui par la suite desservira la Thaïlande . Un peu après , notre pilote recommence un joli slalom parmi les rapides, qui parviennent même par moment ,à secouer notre long bateau . Je retourne dans le poste de pilotage pour le voir négocier une passe particulièrement étroite entre les rives rocheuses qui étranglent méchamment le Mékong à cet endroit .Aujourd'hui c'est le panard pour moi car je tape sur l'ordi avec un confort inestimable : j'ai un bureau et donc pas de chaleur intempestive sur l'entre-jambe , j'ai de l'ombre sur l'écran , je n'ai ni les chaos de la route ni les coups de frein intempestifs comme d'habitude qui font sauter le curseur dans le texte ou frapper à côté des touches , juste une petite brise pour me rafraichir car maintenant le soleil est venu à bout de la fraicheur matinale . Et puis taper les événements en directe c'est géant quand même!! Et après réclamation auprès de Sun , je peux même brancher le transfo sur la prise au bout de la table car la taulière vient de mettre en route le groupe électrogène spécialement pour moi . Un vrai pacha .
De temps en temps on voit un village Hmong accroché sur les versants de la montagne qui tombent brutalement dans le fleuve : des tâches de couleurs vives trahissent la présence des maisons en bois sur pilotis qui dépassent à peine de la cime des bananiers . De grandes zones défrichées aux formes géométrique marquent la présence de l'homme dans la forêt tropicale ,qui descend jusqu'au Mékong . Des plages de sable et d'alluvions se déposent entre les rochers de la rive, en superbes espaces d'un lisse parfait . Des buffles descendent jusqu'au fleuve pour s'abreuver et aussi pour s'y baigner , profitant de l'absence de courant au fond des petits criques . Juste à côté, on aperçoit de superbes potagers où s'alignent des rangées de salades ou de pieds de tomates , protégés par de petites haies de bambous tressés . Sur une pirogue nous voyons quatre femmes Hmong passer avec des chapeaux de forme cylindrique ,décorés de pompons verts et blancs . Un peu plus en amont, ce sont des chercheurs d'or , agitant leur grand tamis dans l'eau sur le bord du fleuve qui retiennent notre attention .
Je m'octroie une petite récréation entre deux lignes de blog et je rejoins Christian installé sur le banc de la plage avant , en véritable figure de proue . La vue à 180 degrés , avec juste un soupçon de soleil sur les jambes n'est pas mal non plus . On y voit notamment les nombreux tourbillons qui secouent le bateau régulièrement et puis les troupeaux de buffles au bain dont on devine la présence uniquement par leurs larges paires de cornes dépassant à peine la surface de l'eau et la pointe de leur museau brillant au soleil .Au bout de la plage avant ,on remarque un petit pagodon avec quelques boulettes de riz gluant , un verre d'eau , et trois mandarines en guise d'offrandes entourées de bâtonnets d'encens à moitié consumés .Lorsque la taulière ramène la pitance du pilote, nous sommes invités à la goûter : c'est vraiment très bon . Dommage que notre curiosité nous éclaire sur sa composition :ce sont des morceaux de pâte de riz cuits avec des têtes de brocolis et des tronçons de haricots verts , accompagnés de sauce aux poissons pourris !! Du coup nous avançons un peu l'heure de l'apéro , histoire de calmer l'agression de nos papilles : pour fêter notre croisière sur le Mékong , nous sortons une bouteille de pastis et une autre de whisky achetées à Luang Prabang il y a deux jours .Sun , en bouddhiste confirmé trinque avec nous , un verre d'eau à la main . Par contre les trois membres de l'équipage , le pilote , la taulière et le mousse goûtent le pastis pour la première fois de leur vie à grand renfort de grimaces . Je ne résiste pas longtemps au plaisir de leur tirer le portrait . Puis la maitresse de maison nous convie à un buffet dressé à l'arrière du bateau : pilons de poulet frits , du riz bien sur ,des légumes et une fricassée de porc , le tout servi avec une sauce très relevée . Nous terminons le repas par un plateau de fruits : papayes excellentes pour une fois , pastèques , bananes et petites clémentines très parfumées . Un café et il n'y a plus qu'à faire la sieste car il y en a encore pour 3 heures de navigation d'après Sun .
Ce sont les rapides agitant le bateau qui me tirent de ma torpeur post-prandiale . Comme le Mékong commence à avoir une largeur plus à l'échelle humaine , nous pouvons mieux observer toute la vie qui règne sur les rives ,juste à la lisière de la forêt . On voit des autochtones déchargés des sacs de riz de leur pirogue , d'autres lancer un filet ou transporter des bambous sur l'épaule pour réparer leur maison . On voit encore plusieurs campements de chercheurs d'or . Des femmes font la lessive pendant que les enfants jouent et se baignent au bord du fleuve .
Une petite conclusion concernant cet ami de tous les jours , qui nous accompagne maintenant depuis plus d'un mois depuis son delta sur la mer de Chine au sud de Saïgon , Le Mékong constitue vraiment la colonne vertébrale de l'Indochine et tout particulièrement celle du Laos , qui est tout en longueur , qui ne possède pas de déboucher à la mer et dont les routes montagneuses représentent un sacré handicap dans le moindre déplacement . Le grand fleuve est aussi une source de vie inépuisable en fournissant , du poisson pour se nourrir , du limon pour cultiver , du gravier et du sable pour construire et même de l'or pour quelques rêveurs d'un autre temps . Nous apprenons par Sun ,que notre jeune couple de bateliers continuera sa route demain vers le nord , pour aller chercher un groupe de touristes à la frontière afin de les redescendre ensuite sur Ventiane en trois jours . Les "long boat" remplacent vraiment le train dans ce pays pauvre, d'à peine 6 millions d'habitants , dépourvu de routes correctes et même de pont sur le grand fleuve ! Un petit regret pour nous, c'est de pas continuer à le suivre sur la totalité de ses 4500 km jusqu'au Tibet pour pouvoir clore complètement le dossier Mekong .
Vers 16h30 nous arrivons en vue de Pak Beng , petite ville de 20 000 habitants : Pak veut dire confluent et Nam Beng est le nom de la rivière qui se jette dans le Mékong au centre de la ville . "Nos chauffeurs nous attendent sur la rive , on dirait , le timing est parfait ,Sun ! Bravo Sun !" Nous grimpons aussitôt à l'hôtel Grand Resort installé sur les hauteurs de la ville . Tous les pavillons dont nous héritons sont bien sur ,vue Mékong , c'est génial ! Encore une fois notre entrée dans la cour avec nos quatre 4x4 flambants neufs et les chauffeurs qui se précipitent pour nous ouvrir la porte , laisse bouches bées les touristes arrivés en bus juste avant nous ! A peine avons nous pris possession de nos chambres que nous nous retrouvons dans la superbe piscine à débordement qui domine le méandre du fleuve . C'est géant avec le soleil couchant qui dore la surface de la piscine et celle du Mékong , par la même occasion . Encore un dur moment de la vie de retraité !! De retour à la chambre , l'hôtel entier est victime d'une panne d'électricité et bien sur pas de wifi non plus , impossibilité d'envoyer le blog et les photos .Malgré tout, nous nous retrouvons tous au resto de l'hôtel vers 19h00 où nous avons droit à un diner aux chandelles sous forme de buffet . Pour finir nous récupérons l'électricité dans les chambres vers 20h30 ainsi que la wifi . Ouf , le blog pourra partir quand même ce soir !
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