QUARANTE SEPTIEME JOUR : LE 25 NOVEMBRE 2019



      Aujourd'hui c'est Sainte Catherine , alors tout d'abord bonne fête à toutes les catherinettes . Hier à l'apéro offert par Tchin-tchin , celui-ci nous a parlé inévitablement de la ville de Dien Bien Phu qui s'est développé relativement récemment , c'est à dire surtout ces vingt dernières années à cause de la construction du plus grand barrage d'environ  deux cent trente mètres de haut  sur le Fleuve Noir qui a coupé la région en deux  , en développant  en amont un énorme lac . Avant cette entreprise cyclopéenne c'était Lai Chau la capitale de la province . Depuis il a fallu diviser celle-ci en deux et tout naturellement Dien Bien Phu est devenue la capitale de la seconde partie . Ceci  a favorisé son essor économique et un gros afflux de population et c'est  ce qui explique  qu'il y a  tant de travaux un peu partout dans le secteur .




            Ce matin , en allant prendre le petit déjeuner nous replongeons dans l'atmosphère rigide des hôtels d'état aux formes géométriques qui ont l'art de te "glacer le sang ". Ils ont beau avoir installé un grand sapin de Noël tout illuminé et une fausse cheminée ,avec feu de bois électrique et des cadeaux tout autour , cà ne réchauffe pas pour autant l'atmosphère !! Nous retrouvons également le buffet à la chinoise avec une majorité de plats à base de légumes , de pâtes , de riz , de viandes et de poissons . Fini les viennoiseries et les immenses plateaux de fruits du Laos . Ici nous sommes au royaume de l'austérité communiste !


   

















         Comme convenu nous retrouvons Tchin-tchin et nos chauffeurs à la réception de l'hôtel vers 8h00 pour aller visiter le champs de bataille de Dien Bien Phu .En route Tchin-tchin nous explique que la ville est essentiellement peuplée de commerçants et de fonctionnaires envoyés par le gouvernement  à partir de 1963 pour promouvoir le parti communiste dans une zone où les minorités Hmongs  noirs , Hmongs blanc et Taï Dam réputées pro-françaises à . Il nous parle aussi des nombreux camions que nous avons vu hier sur la route de la frontière qui pallient à l'absence de débouché à la mer du Laos . Tout le fret de ce pays arrive au port de Haïphong  au Vietnam et transite ensuite par voie terrestre , d'où le train de camions que nous avons croisé .

            Nous commençons la visite du champs de bataille par la colline Dominique . Les Français avaient organisé la défense de la cuvette de Dien Bien Phu  par la technique allemande dite  du" hérisson " en disposant des bunkers au sommet de la dizaine de collines qui entourent la cuvette , chacune baptisée d'un prénom féminin . La  Dominique est la plus haute de ces défenses . Nous grimpons au sommet en voiture pour voir un énorme monument en bronze, dressé à la gloire de l'armée vietnamienne en 1994 , pour le 40 ème anniversaire de leur victoire sur l'armée  française . Nous partons ensuite voir la colline Eliane II : ici il faut laisser les voitures en bas et grimper à pieds . Nous y voyons un réseau de tranchées creusées dans la colline , surélevées  avec des sacs de terre , reliant différentes casemates . Parvenus au sommet Tchin-tchin nous montre le campement vietmin installé derrière une haie de bambous , distante de cinq cent mètres tout au plus , à la place d'un village Hmong évacué pour les circonstances. Lors de la troisième et dernière phase des 56 jours de bataille ,les forces vietnamiennes firent sauter une charge de 1000 kilos de dynamite dans  un tunnel creusé sous les tranchées françaises .La taille du cratère restant est impressionnante . La colline Dominique fut le théâtre de combats pendant pratiquement la totalité des 56 jours d'affrontement . Les premières collines à subir l'attaque vietmin furent Béatrice sur la route de Laï Chau et Gabrièle sur la route d'Hanoï . En redescendant ,on peut aller voir quelques carcasses de tanks français fournis par les Américains , des camions GMC et des restes de Jeep . Il y a même quelques morceaux d'ailes d'avion !!



            Pendant que nous roulons Tchin-tchin nous explique que le général en chef des forces
vietmins , le général Giap est resté caché à 30 km au sud dans la jungle , sur la route de Hanoï actuelle .Ho Chi Min  faisait régner la terreur en faisant exécuter 53 000 paysans  pour redistribuer leurs terres au nom de la réforme agraire mais aussi pour éviter tout aide aux Français . Parvenus au musée , nous apprenons que celui-ci est fermé exceptionnellement à cause d'une panne d'électricité , il faut se contenter d'une photo  de l'extérieure . La forme de sa toiture rappelle celle du casque des vietmins fabriqué en feuilles de latanier et en plastique pour l'étanchéité. Nous avançons ensuite vers le marché installé sur les rives de la Nam Rom : on y voit beaucoup de paysannes venues de village Taï Dam ou Hmong que nous commençons à bien identifier suivant la forme de leur coiffe et la couleur de leur jupe étroite, richement brodées .Sur les étales nous  voyons beaucoup d'anguilles , de crapauds , de crevettes et de poissons divers , mais aussi des vers à soie proposés pour être mangés  . Comme fruits particuliers notre curiosité est attirée par des ananas sauvages et  côté légumes  il y a aussi beaucoup de champignons aphrodisiaques ou à manger , beaucoup d'oeufs de cane et de cailles , des poulets plumés attachés en bouquet par les pattes .




            Nous terminons la visite de Dien Bien Phu par celle du mémorial français : le gouvernant Mitterrand en 1994 ayant refusé de   prendre en charge  sa construction , c'est le légionnaire français d'origine allemande Rolf Rodel qui le finança de ses propres deniers . C'est vraiment très émouvant de lire les plaques commémoratives déposées au pied de la stèle comme celles des légionnaires ou celle des arpètes . Tchin-tchin y dépose un bouquet de chrysanthèmes acheté sur le marché ,certainement à la mémoire de son ami Fong  Jean Louis,  de mère vietnamienne et de père français . Il fit parti des  prisonniers qui survécurent à la marche à pieds nus de 450 km vers Vit Chi . Mort en France il y a trois ans, Tchin-tchin est venu ici avec sa famille , pour y rependre ses cendres . Il parait que Bigeart aurait demandé la même faveur mais que le gouvernement vietnamien aurait refusé .






            Nous prenons maintenant la route de Muong Laï  (anciennement Laï  Chau) qui très vite grimpe à flancs de coteau,  offrant de jolie vues sur les rizières en terrasses , malheureusement pour nous à l'état de labour ou bien déjà inondée ,en vue du repiquage de printemps, dans quelques semaines (ici le printemps commence après la fête du Tet en début février) . Un peu partout au dessus de nos têtes les cultures sur brulis décorent  les flancs de montagnes de motifs géométriques . Un peu plus bas ,c'est le domaine des ananas dont les feuillages teintent   les parcelles de rayures bleues . Plus haut,   ce sont les forêts d'hévéa  qui coiffent les sommets . Nous traversons des villages  Taï  Noirs  qui sont animistes et se font enterrer alors que les Taï Blancs sont bouddhistes et pratiquent l'incinération de leurs défunts . Il parait que l'Oncle Ho lorsqu'il vint dans le nord du Vietnam après sa victoire sur les Français et qu'il vit les femmes Taï Blanc travailler dans les champs avec leur longues jupes blanches , il les obligea à porter un pantalon noir qu'elles portent encore aujourd'hui . Nous retrouvons le même type d'habitat que nous avons vu au Laos pendant 15 jours , c'est à dire des maisons en bambous sur pilotis avec des toits en chaume disposées de part et d'autre de la route .




            Vers 12h30 nous arrêtons à Muong Cha , un village Hmong Rouge pour casser la croûte : ici les femmes portent une jupe plissée rouge décorée de broderie avec dessous de gros bas de laine de couleurs vives . La  taulière nous sert de la carpe , une fricassée de boeuf aux légumes , du liseron poché à l'ail et du riz . Tchin-tchin nous offre le dessert : des ananas achetés en route à des Hmongs .Nous nous en sortons avec 195 000 dongs pour deux , boissons comprises . Après le repas, nous allons visité un village Hmong rouge : ils descendent  d' esquimaux  qui auraient migré à travers la Chine . Persécutés au XVIIIème siècle par les Chinois ils sont venus s'installer au nord du Vietnam . Quant au Taï ils seraient venus de Chine également , fuyant devant l'invasion de Gengis Khan au XIII ème siècle . Les Taï  , les Hmongs ont alors fondé des royaumes dans le nord du Vietnam qui  étaient sous  la tutelle de l'Empereur N'guyen de Hué  . Le royaume Taï exista jusqu'à la défaite française de 1954 . Le dernier roi migra en France et mourut à Toulouse à l'âge de 103 ans il y a une vingtaine d'année .Dans le village ,Tchin-tchin nous montre une femme avec une tâche ronde au milieu du front ; c'est la trace d'une ventouse pour éloigner le Mal . Nous voyons la grand mère coiffée d'un chignon avec  un peigne passé au travers  . Elle porte une jupe de laine plissée et décorées de motifs géométriques de couleurs vives . Sur les jambes ,elle a enroulé des bandes de tissus noir, pour se protéger des animaux en forêt et aussi des branches . L'intérieur de leur maison en planches est quasiment vide , ils doivent dormir dans des hamacs car on ne voit que le stock de sacs de riz  et rien d'autre .Les femmes passent leur temps à broder des bandes de tissus qui , une fois rassemblées, servent à faire les jupes .

















            Notre route est de plus en plus sinueuse et souvent en très mauvaise état . Beaucoup de tronçons , emportés par un éboulement de terrain  lors des  périodes de pluie , sont remplacés par des portions de piste très poussiéreuses . A d'autres endroits c'est le talus de droite qui est descendu sur la route , ne laissant qu'une piste disponible à la circulation . Taillée à mi-pente de la montagne , la route offre de superbes points  de vue sur la vallée et sur les villages construits au bord de la Nam Laï qui se jette dans le Fleuve Noir à Muong Laï . Ici certaines maisons ont des toits en ardoise car il y avait des carrières toutes proches mais celles-ci sont malheureusement sous le lac depuis la construction du barrage au même titre d'ailleurs que l'aéroport . Dès que nous arrivons à Muong Laï , nous prenons possession de nos chambres à l'hôtel ,histoire de nous délester de nos bagages ,puis nous repartons aussitôt pour aller faire une balade en pirogue à moteur sur le Fleuve Noir . Après une petite demi heure d'attente sur les rives de la Nam Laï à côté de fermes aquacoles flottantes , nous finissons par monter à bord d'une grande barcasse en tôle . Le pilote remonte au vent, avec un peu de difficulté, jusqu'au confluent de la rivière et du fleuve , puis nous tournons à droite en direction du barrage distant de 120 km en aval . Au bout d'un quart d'heure , nous atteignons un ancien pont suspendu construit par les Chinois pendant la guerre contre les Américains ,pour acheminer des armes et des munitions vers le sud du Vietnam .Nous faisons demi-tour pour passer devant les ruines du Palais Royal  des  Taï ,  enseveli à la saison des pluies . Nous continuons notre route pour être déposé dans une petite crique . Là il faut marcher un bon quart d'heure  ,pour atteindre un village Taï Blanc . Nous parcourons les rues du village en admirant de jolies maisons construites sur pilotis . Elles sont souvent dotées d'une terrasse couverte au premier étage . La plupart sont en planches avec souvent un toit d'ardoise . Des autochtones font la cuisine dehors sur un gros feu de bois pendant que d'autres taillent des lamelles de bambous pour fabriquer des nasses afin de piéger les poissons du lac . Une autre un peu plus loin fabrique des filets de pêche . Les plus âgées se contentent de nous regarder passer . Comme ce soir il y a une réunion générale avec le chamane , nous sentons qu'il ne faut pas trop traîner et nous les laissons à leurs dévotions . Il est temps de toute façon de reprendre le bateau car le jour décline déjà .









            De retour à l'hôtel nous nous octroyons une heure de repos avant de retrouver Tchin-tchin afin de finir la bouteille d'apéro commencé hier . Au cours de la discussion nous apprenons que cette région du Vietnam est boudée et que nous serions  bien les seuls touristes ce jour à Muong Laï ! Comme hier le punch préparé par Tchin-tchin se révèle excellent . Nous passons ensuite à table dans la grande salle de restaurant où nous sommes seuls hormis la table des chauffeurs . La taulière nous sert des nems , des french fries , des nouilles à la cantonaises , une fricassée de porc à l'aigre-doux ,du poisson , une salade de choux et bien sur du riz , plus des bananes en guise de dessert . Un vrai festin entrecoupé par un trou normand(enfin plutôt vietnamien) avec un verre de choum  pour trinquer avec les chauffeurs .

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