QUARANTE NEUVIEME JOUR : LE 27 NOVEMBRE 2019




    Ca y est ,on est à Sapa . Depuis la longue préparation de notre périple  en Indochine cet hiver, j'ai tant rêvé  au jour où nous pourrions parcourir les rues de cette station d'altitude ,créée par les colons français, que je considère cela comme un aboutissement en soi . Les Français venaient y chercher la fraicheur et le bon air des montagnes dominées par le Phan Si Pan culminant à 3143 m . C'est vrai qu'hier soir, en cherchant une taule pour casser la croûte dans le froid , on se serait cru un moment à la neige entrain de chercher un chalet capable de nous recevoir . Et instinctivement ,nous nous sommes retrouvés au coin de la cheminée dans une pizzéria, à écouter crépiter  les bûches dans l'âtre . J'espère que nous ne serons pas déçu par un afflux  trop massif de touristes, qui pourrait gâcher la visite de cette perle du Haut Tonkin , redécouvert par les routards il y a  seulement quelques années ,après une longue période d'oublie suite à notre défaite de 1954 . Avant de rentrer en ville  hier après midi, nous avons fait un petit arrêt photo ,pour admirer les magnifiques rizières en terrasse qui descendent des montagnes, et cela nous a mis en appétit pour effectuer la longue balade à pieds de dix bornes proposée par Tchin-tchin aujourd'hui ,à la découverte des villages Hmongs Noirs et des Dzaos Rouges que nous ne connaissons pas encore .




                Après le petit déjeuner , pris sur une table à la chinoise avec un plateau en verre essuyé à la tranche de jambon ( je me permets de te citer dans le texte , Annie) et une nappe qui porte le résumé du menu de la semaine , il faut donc se préparer pour faire une marche en montagne que je redoute un peu à cause de la sévérité de la précédente et de l'état déplorable de mes genoux . Tchin-tchin nous a certifié que le dénivelé serait moins important cette fois-ci et  que les pentes  seraient moins sévères  aussi . Il faut néanmoins se prémunir du froid pour la première fois depuis le début de notre voyage , prévoir de bonnes chaussures , prendre le chapeau  et peut être même la crème solaire car au milieu des rizières , nous sommes  presque toujours à découvert .





            Nous retrouvons Tchin-tchin comme convenu vers 8h00 à la réception de l'hôtel ,armés de nos  bâtons de marche  , de nos grosses chaussures et du sac à dos . Comme hier les 4x4 ne peuvent pas approcher de l'hôtel à cause de travaux , résultat il faut remonter à pieds jusqu'à l'église en empruntant de petites rues commerçantes qui grouillent de paysannes descendues vendre leurs broderies aux touristes , malheureusement un peu trop nombreux à notre goût . Il faut ensuite grimper un grand escalier avant de retrouver nos chauffeurs . La sortie de la ville n'est pas facile non plus en voiture car il y a des travaux partout . Tchin-tchin nous explique que le maire de Chamonix avait fait une proposition de plan d'urbanisation de la ville qui malheureusement n'a pas été retenu par le gouvernement vietnamien , résultat c'est la pagaille depuis vingt ans ! Une fois la campagne environnante atteinte , nous plongeons vers le fond de la vallée en empruntant une piste en terre battue en très mauvaise état . Parvenus en bas , près d'une petite rivière , nous attaquons notre balade à pieds en empruntant un large chemin,  bétonné par endroit . Nous commençons par prendre la direction de Matra , un village Hmong Noir .Nous commençons par longer d'énormes bouquets de bambous d'au moins trente mètres de hauteur . Tchin-tchin nous explique qu'ils poussent de plus de 40 cm par jour , le dernier tronçon de 5 mètres que nous voyons sans feuille daterait d'à peine quinze jours . Une fois qu'ils auront rattrapé les tiges adultes , les feuilles pousseront et les troncs commenceront à grossir .En reprenant un peu d'altitude , sur notre gauche ,la vue se dégage et nous pouvons admirer un premier ensemble de rizières en terrasse qui descendent en escalier vers le fond de la vallée . Tchin-tchin nous explique qu'ici elles sont très étroites et doivent être travaillée à la main ou au mieux avec un buffle en sachant que les demi-tour avec la charrue sont compliqués malgré tout . Sur les talus le long de notre chemin nous reconnaissons des pieds de cardamone . Celle-ci est sauvage . Quand elle est cultivée , on l'abrite derrière des rangées d'arbres dans la forêt car c'est une plante qui craint le froid et ici  à Sapa il arrive qu'il neige . Un peu plus loin à l'entrée du village de Matra , Tchin-tchin nous montre des pieds d'indigo  , une petite plante de 50 cm tout au plus , qui fleurit mauve . Il faut la faire bouillir dans de l'eau additionnée de charbon de bois de racine de bambou qui sert de fixateur avant de filtrer le tout , pour obtenir la fameuse teinture tant appréciée des Hmongs Noirs .Nous voyons justement une villageoise sortir de sa maison en vêtement traditionnel bleu très foncé mais décoré de motifs géométriques aux couleurs vives qui égaient l'ensemble . Leurs jambes sont couvertes de bandes de tissus noir enroulés autour comme des bandes molletières . Elles sont coiffées d'un foulard noir ,brodé également ,enroulé autour de leur chevelure ramenée en chignon . L'une d'entre elle attrape une grande fleur de Datura pour en sucer la queue . La forme en cornet de la fleur m'évoque aussitôt celle d'un instrument à vent et instinctivement  je  mets à mimer le soldat qui sonne le clairon . En rigolant , elle cueille une autre fleur de Datura et se met à m'imiter en me faisant  des signes d'amitié de l'autre main . C'est agréable de pouvoir plaisanter de la sorte lorsque la barrière de la langue empêche tout autre contact .






            Dès la sortie du village , nous nous mettons à grimper plus sérieusement parmi les terrasses envahies de pieds d’artichaut . Ici on mange très peu le fruit . On utilise les feuilles pour la cuisine et surtout comme plante médicinale  pour soulager le foie ,en commençant par cueillir les  plus grandes feuilles du bas .Il y a aussi beaucoup de terrasses occupées par des choux blancs , des choux verts , des choux fleurs et même des brocolis . Sur les talus Tchin-tchin nous montre de petits arbres dépourvus de feuilles que nous n'arrivons pas à identifier : il s'agit de pêcher auxquels on arrache les feuilles, pour que leur floraison soit plus abondante dans deux mois, pour la Fête du Tet . Une fois sur la crête ,nous entrons dans Can Gai un second village Hmong Noir . Ici des infirmières coréennes en blouse blanche, profitent du rassemblement de population occasionné par un mariage ,pour donner des conseils diététiques aux jeunes mamans présentes avec leur bébé attaché dans le dos . Elles leur distribuent des images avec les aliments nécessaires à la croissance de leur nourrisson .  Parvenus à la sortie du village , nous arrivons sur l'autre versant de la montagne . Ici les terrasses occupées par des rizières inondées sont plus grandes . Tchin-tchin nous explique que les paysans , avec le développement de la mécanisation , sont obligés de regrouper les petites parcelles pour en faire de plus larges mais forcément avec un dénivelé plus grand entre les terrasses successives qui  peut atteindre parfois deux à trois mètres . Les mariages permettent souvent ce remembrement : chez les Hmongs  les garçons se marient  très jeunes ,vers 14 ans ,et les filles vers 17 ans . Pour compenser le prix élevé de la dote, le garçon doit choisir une fille robuste, qui travaille beaucoup au champs .



















            Notre chemin traverse horizontalement le flanc de la montagne ,offrant de jolies vues sur  une succession d'amphithéâtres de rizières parfois sèches , parfois inondées . Il parait que les autorités favorisent leur reconversion en champs de lys ou de roses ,vendus  beaucoup plus cher que le riz .Les vietnamiens sont de grands consommateurs de fleurs : déjà deux fois par mois dans le calendrier lunaire bouddhique ils en déposent au temple et puis il y a une dizaine de fêtes par an où ils honorent les jeunes filles en leur offrant des fleurs . C'est ce qui explique que nous voyons d'immenses serres dans le lointain . Le reste de la production part pour l'exportation . Nous arrivons maintenant  à Suoi Thau  ,un troisième village Hmong Noir . Ici ,la déforestation massive faite par les paysans pour produire du manioc afin de nourrir le bétail ,fait que l'eau qui coulait de la montagne a disparu . Résultat , nous voyons bon nombre de terrasses abandonnées . Dès l'entrée du village ,notre attention est attirée par un atelier de tissage et de broderie, installé dans une jolie maison traditionnelle en bois avec un toit en palmes de latanier Ici en montagne les maisons sont directement construites sur le sol à la différence des maisons de la vallée , perchées sur des pilotis et regroupées de part et d'autre de la route . Chez les Hmongs  Noirs comme les Dzaos Rouges l'habitat est dispersé au milieu des cultures , ce qui fait que les Chinois ont pendant longtemps volé les  femmes et les enfants de ces tribus .





            Après avoir visité l'atelier; riche en tissus brodés , en sacs ,  en foulards et en portes monnaies , nous attaquons la descente vers Tafin , le quatrième village de notre balade, d'ethnie Dzaos Rouges . Nous faisons encore quelques arrêts photos ,pour essayer de cadrer au mieux les rizières en terrasses, qui descendent en escalier vers le fond de la vallée . Dominique ne s'en lasse , espérant toujours sortir le cliché du siècle !! Sur le bord du chemin ,Tchin-tchin nous montre des plantes produisant de petits fruits ronds de couleur jaune pale : il s'agit d'aubergines sauvages , une espèce de poison utilisé par les villageois pour anesthésier momentanément les poissons d'une rivière, afin de les capturer vivant plus facilement ,et de s'en servir secondairement pour la reproduction en les mettant dans un bassin . Nous voyons aussi des lianes pousser sur des tonnelles ,d'où pendent des fruits qui ressemblent à des avocats : les christophines ,mangées en salade , en purée ou dans la soupe comme des courgettes . Beaucoup de villageois rempotent de gros pieds d'orchidées par groupe de trois dans de grandes coupe où les pieds sont entourés de fumier façonné comme une poterie afin qu'elles soient tout en fleurs pour les Fêtes du Tet , début février  .  Nous doublons une famille de buffles , la mère , le veau couvert de long poils roux et la fille aînée , qui très vite , prennent la tangente en tournant dans le lit de la rivière . Ils parait qu'ils vivent en toute liberté  dans la campagne et connaissent tous les villageois  dont ils n'ont aucune crainte ; par contre ils se méfient des étrangers et s'arrangent pour les fuir . Un buffle vit une trentaine d'année  environs et est capable de faire des travaux très dur comme le labourage mais seulement pendant 2 à 3 heures car il s'épuise vite ce qui fait que l'on préfère utiliser les boeufs pour tirer une charrette . Un buffle coûte à peu prés 1500 dollars .



            Nous terminons notre ballade par celle d'un ancien monastère occupé par des religieuses venues du Japon après la Seconde Guerre Mondiale afin d'évangéliser la région où plusieurs villages sont convertis au catholicisme . Elles ont du se cacher après la défaite de l'armée française en 1954 .C'est émouvant de voir ces vieux murs de pierres, ces voûtes et ces colonnes couverts de lichen doré qui resplendit dans les timides rayons du soleil . Nous rentrons maintenant en ville ,après quatre heures d'une marche bien sympathique, pour casser la croûte dans un troquet recommandé par Tchin-tchin . Nous y retrouvons Annie et Christian qui se sont octroyer une demi journée de farniente en faisant quelques courses en ville . Nous mangeons une fricassée de canard au gingembre assez goûteuse pour 400 000 dongs pour 2 personnes , boissons comprises  . Puis nous rentrons nous reposer à l'hôtel , histoire de mettre à jour le blog et de classer les photos . A 17h00 je me paie un massage du corps complet d'une heure avec application d'huile .
       Ce soir nous fêtons les 64 ans de Gerard , aussi nous quittons l'hôtel dès 19h00 . Tchin-tchin nous a trouvé un resto sympa qui accepte que nous buvions l'apéro amené par Isabelle et Gérard . Pour la machette Hmong que nous avions décidé de lui offrir c'est encore Tchin-tchin qui s'en est occupé mais Gérard ne l'aura que demain lorsque nous passerons dans le village où elles sont fabriquées . Après le repas nous avons la surprise de voir arriver un superbe gateau garni de bougie offert  Motaïba . Au nom de notre groupe et tout particulièrement de la part de Gérard , merci N'guyet et merci Sébastien pour cette délicate attention . Merci Tchin-tchin d'avoir su organiser cette petite fête .
PS : collectivement ce soir nous avons repensé à la dernière fois que nous avions fêté l'anniversaire de Gérard , il y a deux ans en compagnie de Janette à Punta Arénas  au Chili .

















Bon anniversaire , Gérard !






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