Cinquantième jour déjà , c'est incroyable à quelle
vitesse se passe notre périple ! Aujourd'hui nous quittons les
belles montagnes du Haut Tonkin , leur calme et leur fraicheur
pour redescendre sur Hanoï et retrouver son tumulte , son bruit et
sa chaleur . En effet , demain , nous devons prendre l'avion pour
Rangon , la capitale de Mayamar , l'ex Birmanie, que avons
l'intention de visiter en une vingtaine de jours . C'est avec une
certaine nostalgie que nous laissons derrière nous les ethnies des
Hmongs Noirs , des Dzaos Rouges, des Khaos Sapèques et des Lus
avec leurs beaux villages ,leurs maisons en planches aux toits de
palmes de lataniers , leurs tissages et leurs broderies aux
couleurs éclatantes . Ce matin Tchin-tchin a encore prévu une
dernière balade à pieds dans les villages qui nous permettra de
faire définitivement nos adieux à la région du Vietnam qui a su le
plus garder son authenticité et que pour cette raison nous
plaçons à la première place après d'Halong . Pas étonnant que les
colons français aient craqué pour cette oasis de fraicheur , eux
qui devaient être accablés par la chaleur humide du delta du
Fleuve Rouge .
Comme prévu avec Tchin-tchin , nous nous retrouvons
vers 8h30 dans le hall pour charger les valises au plus vite car
l'un des chauffeurs a réussi à franchir discrètement la barrière
des travaux . C'est une chance car je nous voyais mal remonter
l'interminable pente que nous avions descendue à l'arrivée , il y
a deux jours ! Après avoir grimper la côte en empruntant les
petites rues commerçantes , nous atteignons le carrefour
principal où nous attendons les 4x4 qui doivent nous prendre au
vol, tant la circulation est déjà infernale . Tchin-tchin nous
explique que le grand hotel Sun Plaza Station en face n'est pas
un vestige de l'époque coloniale comme je le croyais ,mais une
vulgaire copie dont le propriétaire n'est autre que Mr Sun ,le
beaux fils de l'actuel Premier Ministre . Ce bâtiment sert aussi
de gare pour le train à crémaillère qui mène jusqu'au pied d'un
téléphérique : celui ci dessert le temple bouddhiste construit en
haut de la montagne , juste en face de notre hôtel : c'est la
petite lumière qui est restée allumée toute la nuit sur la crête .
En sortant de Sapa par l'Est , nous profitons d'une zone de
travaux, une de plus , pour nous ménager un petit arrêt photos .
Notre belvédère improvisé domine la vallée de la petite rivière
Muong Hoa , affluent du Fleuve Rouge,dont le confluent se situe à
l'entrée de l'autoroute d'Hanoï . Tchin-tchin profite d'un second
arrêt photo pour nous expliquer l'origine du nom Sapa : "sa" veut
dire trois et "pa" planche car là-haut sur le mont Si Pan il y a
trois rochers plats comme des planches posées les unes à côté des
autres . Dès le début du XX ème siècle les Français marquèrent le
sommet du Si Pan , le point culminant du Vietnam , d'une pyramide
en métal .Au cours d'un troisième arrêt photos nous voyons un
superbe escalier de rizières en terrasse totalement inondées où
paissent des buffles .Tchin-tchin nous explique que les paysans ne
repiquent le riz qu'au mois de mai car ici à 1500 mètres
d'altitude il fait trop froid avant . C'est en été , un peu avant
la moisson que les paysages sont les plus jolis , les terrasses
offrant un magnifique dégradé de vert , les plus foncées en haut
,les plus claires en bas, tirant sur le jaune carrément.Sur toute
la descente de la vallée les travaux ont transformé la route en
véritable piste boueuse à souhait , complétement défoncée ,
creusée d'énormes ornières où plongent nos 4x4 pour mieux rebondir
de l'autre coté . C'est sportif et il y a même des passages à
gué par endroit . Nous avons eu beaucoup de chance avec le soleil
en début de matinée , ce qui nous a permis de profiter pleinement
des magnifiques panoramas qu'offre la route car maintenant nous
sommes dans le brouillard . Notre nous enfonçons alors vers le
fond de la vallée , parmi d'innombrables poinsétias qui forment
de véritables haies vertes et rouges de part et d'autre de la
chaussée . Parvenus en bas, Tchin-tchin nous montre un des trois
barrages existant sur la Muong Hoa dont la construction a été
retardé par un tremblement de terre il y a peu de temps . Beaucoup
de maisons construites en dur ont été lézardées dans la bataille
Dès que nous attaquons la remontée , nous essuyons des
pentes à 17% , tant le coteau est escarpé . Ce n'est pas le moment
de faire caler le moteur . Le talus est si raide qu'un peu plus
haut , la moitié gauche de la chaussée est partie dans le ravin .
Tchin-tchin nous explique que la construction de ces barrages se
solde à chaque fois par des expropriations ,du moins pour les
terrains d'en bas , les plus fertiles . Les paysans sont souvent
très mal indemnisés par le gouvernement , tout ça pour fournir
de l'électricité dont ils ne profitent pas puisqu'elle est
distribuée en ville .Une fois arrivés à mi pente, nous arrêtons
dans le petit village de Than Phu ,de l'ethnie Tay, à ne pas
confondre avec les Thai .Devant la plupart des maisons il y a des
copeaux de manioc, ressemblant à de petits vers blancs, qui
sèchent au soleil . A la quincaillerie du village, nous voyons la
petite machine qui sert à fabriquer les vermisseaux : elle est
bricolée artisanalement avec quatre bouts de fer blanc soudés ,
qui ressemble à nos râpes à carottes .Tchin-tchin se fait escorter
par un responsable du village , ce qui nous permet de pénétrer un
peu partout comme par exemple d'aller voir une distillerie
d'alcool de riz ,tenue par une femme : nous goûtons l'alcool
encore chaud ,tout juste sorti de l'alambique, bidouillé avec de
vieilles marmites et de tuyaux en bambou , le tout sur des
braises. Il se révèle aussi mauvais que lorsque nous l'avions
goûter au début de notre périple .La taulière nous montre
également les deux grands récipients où le jus de riz fermente .
Plus loin nous voyons un papy de 76 ans entrain de fabriquer une
nasse en écorce de bambou tressée .Avec sa barbiche style Oncle Ho
, ses quatre quenottes restantes et ses lunettes de soudeur , il
est photogénique je trouve . Tchin-tchin nous explique que ces
villageois ne connaissent pas précisément leur date de naissance,
parce qu'elles ne sont pas enregistrées quelque part, mais par
contre on peut être sur de l'année car pour eux c'est capital de
savoir s'ils sont de l'année du chien , ou du rat, pour connaitre
leur avenir astrologique .De même ici au Vietnam , on a un an dès
la naissance parce que l'on inclus les 9 mois de grossesse . En
ballochant dans les rues, je vois un homme jeune porter un bébé
dans le dos, enroulé dans un bout de tissus comme font les femmes
. Il parait que dans cette ethnie c'est le régime matriarcal qui
prévaut . Parvenus au milieu du village nous avons le privilège
d'assister à une cérémonie chamanique . Un villageois a demandé
l'intervention de deux chamans car il a 49 ans , très mauvais
nombre car égal à 7 fois 7 chez les Tay , pour la femme c'est 53
. En offrande il donne deux poulets et un petit cochon , des
bouteilles de Coca Cola , de Fanta et deux bouteilles d'alcool de
riz . Les chamans , à genoux par terre marmonnent des prières en
faisant brûler de l'encens . Puis ils se mettent à faire des
figures au sol à l'aide de morceaux de papier faits avec de la
paille de riz .Entre les deux chamans on a construit une
représentation du palais des" Esprits de la Montagne" en fines
lamelles de bambou décorée de plumeaux de joncs aux angles . Le
principal intéressé assiste à la cérémonie en compagnie de ses
copains , qui boivent du thé sous l'auvent de la maison . Il
parait qu'une telle cérémonie coûte chère à celui qui la demande .
Les offrandes sont ensuite cuites et mangées en commun avec toute
l'assistance . Comme nous voyons que nous commençons à déranger ,
nous nous retirons discrètement .En continuant notre petit tour
nous voyons une villageoise plonger une épuisette dans l'aquarium
en béton installé devant chez elle pour en sortir une grosse carpe
,qu'elle assomme aussitôt d'un coup de hachoir sur la tête .
Comme de grosses pluies ont partiellement endommagées
le chemin que nous devions prendre à pieds le long de la rivière ,
le responsable du village nous conseille de reprendre les 4x4 pour
faire les cinq bornes qui nous séparent d'un village de l'ethnie
Xa Pho , une des cinq d'origine tibétaine au même titre que les
Sila que nous avions vu sur les Hauts Plateaux . Cette communauté
est l'une des plus petites au Vietnam avec 5000 personnes . A
l'origine les Xa Pho étaient les esclaves des Tays . Leurs
habitations sont faites en bambous tressés sur pilotis avec le
bétail à l'abri en dessous . Mais de plus en plus le rez de
chaussée est muré et aménagé en pièce à vivre , l'étage étant
réservé aux chambres . L'habitat , comme chez les Hmong est
dispersé dans la nature , parmi les bananiers et les gros bouquets
de bambous . Ici aussi les femmes font de la broderies ; on voit
notamment une grand mère, équipée de lunettes, initier sa petite
fille à manier l'aiguille à coudre . En remontant les rues du
village nous croisons de jeunes enfants sortant de l'école qui
nous parait bien grande pour un petit village . Sur le fronton de
celle-ci nous pouvons voir le poster sur lequel l'Oncle Ho offre
un foulard rouge à une écolière . C'est ici que le parti
communiste embrigade les enfants pour en faire les fameuses "
Brigades Rouges "! Ce village est très pauvre car il est le plus
éloigné de Sapa , pratiquement à quarante kilomètres .
Nous reprenons maintenant les voitures pour revenir
en parti sur nos pas et gagner l'entrée de l'autoroute . Un peu
avant nous nous arrêtons dans une taule assez sordide pour casser
la croûte et aussi pour prendre livraison du couteau offert à
Gérard . Pour finir nous avons la surprise de voir que nos chères
épouses nous en ont commandé un également en cachette . On nous
sert du poisson , du poulet aux champignons et à l'ananas , du
liseron , une fricassée de cerf et bien sur du riz . Pas facile de
manger une darne de carpe pleine d'arêtes , dans un bol et avec
des baguettes de surcroît ! En plus comme j'ai eu l'honneur et
l'avantage de traverser la cuisine pour aller aux toilettes avant
le repas , c'est dur d'avoir de l'appétit dans de telles
conditions ! Nous nous en tirons avec 200 000 euros pour deux ,
bières comprises , mais ça ne vaut même pas ça ! Et aussitôt nous
reprenons l'autoroute pour ne pas arriver trop tard sur Hanoî
d'autant que nous devons repasser par l'atelier de la laque avant
d'aller à l'hôtel .
Pour finir nous atteignons les premiers faubourgs de
la capitale du nord vers 17h30 .Avec l'obscurité qui tombe déjà ,
il faut se contenter de quelques clichés des buildings déjà
transformés en véritable sapin de Noël tant ils sont illuminés .
Nous traversons le Fleuve Rouge sur un long pont suspendu qui
longe le Pont Paul Doumer ,mais au
delà nous n'avons plus aucun souvenir , sauf de la circulation
infernale . A un moment nous nous retrouvons face à une trentaine
de scooters et il faut le sang froid de notre jeune chauffeur pour
affronter cette meute humaine et parvenir à se faufiler le long du
trottoir . Après une bonne demi heure de remontée d'avenue dans
une cohue infernale ,nous arrivons au magasin de laque qui est resté
spécialement ouvert pour nous ,suite au coup de fil de Tchin-tchin .
Après avoir acheté un panneau décoratif , nous repartons dans la mêlée
pour atteindre notre hôtel May de Ville , une bonne demi heure plus tard
. Après avoir fait nos adieux au chauffeur , c'est le moment de quitter
Tchin-tchin et ce n'est pas facile depuis prés d'un mois que nous
bourlinguons ensemble toute la journée. C'est dur de quitter quelqu'un
qui a su nous faire partager l'amour de son pays avec tant de
convictions . Nous avons apprécier le guide , capable de répondre à
toutes nos questions mais aussi et surtout l'homme qui s'est livré tout
doucement au fil des jours à travers ses connaissances . En tout cas
un très grand merci pour tout ce que tu as fait pour nous pendant ce
périple d'un mois à travers ce très beau pays qu'est le Vietnam .Merci
Tchin-tchin !
Une fois installés , nous allons terminer les bouteilles
d'apéro commencées hier , chez Gérard . Puis nous cherchons une petite
taule pour essayer de casser la croûte correctement . Pour finir nous
trouvons notre bonheur au dessus d'un garage à scooters , trois rues
plus loin . Des nems et surtout des French Fries , enfin de la vraie
cuisine, comestible pour un Européen , et surtout pas de l'eau chaude
avec quatre morceaux de je ne sais quoi qui flottent dedans ! Le panard !
Commentaires
Enregistrer un commentaire