TREIZIEME JOUR : LE 22 OCTOBRE 2019

















        Quel bonheur d'avoir une chambre aussi bien située ! Ce matin nous nous réveillon face à un méandre de la rivière Dakba dont les eaux paisibles offrent un incomparable miroir au nuage dorés par le soleil levant . Un léger lit de brume masque le pied des petites montagnes coniques qui barrent l'horizon .Sur les rives , le damier des cultures maraichères nous offre un magnifique camaïeu de verts : avec la chaude lumière du levant c'est un véritable concours  qui s'organise , à savoir quelle parcelle sera la plus éclatante . Une véritable estampe orientale qu'il faut vite saisir  car c'est un spectacle aussi beau qu'éphémère . Comme hier soir nous sommes arrivés tardivement , nous avons du alléger notre programme sur Kon Tum . Aussi nous avions prévu un rendez vous à 6h45 pour un premier café avant d'attaquer les visites . Mais pour finir , comme nous sommes prêts de bonheur , nous descendons prendre le petit déjeuner directement .


            Nous commençons notre exploration matinale par celle d'un "rong" d'origine Ba Nas , c'est à dire une maison communautaire . Construite en bois , la charpente est faite  uniquement avec un complexe assemblage de fin troncs d'eucalyptus réunis entre eux  par des liens végétaux . La pente du toit fait de feuilles de latanier est vertigineuse : c'est pour que les pluies diluviennes des moussons glissent le plus possible et aussi pour éviter la surcharge lorsque le chaume est trempé . La faitière , légèrement galbée , lui donne une allure de fer de hache . Construite sur pilotis , on y accède en grimpant un escalier creusé dans un tronc  .Parvenus sur une terrasse , nous pouvons entrer dans le rong dont la hauteur intérieure donne le vertige lorsque nous levons les yeux . Tchin-tchin nous explique que le toit est fabriquer d'un seul morceau sur le sol , puis une trentaine de villageois s'installent de chaque côté pour pousser vers le groupe d'en face ,la faitière montant ainsi vers le ciel . Quand on a pas de grue,  on a forcément des idées !  En sortant du rong ,je passe à travers l'une ds planches de la terrasse : je me retrouve  par terre avec le membre inférieur droit qui pend lamentablement dans le vide . Par chance je ne rencontre pas de clou dans ma chute, juste du bois qui me provoque des éraflures sur la jambe et la cuisse .Le plus gênant est la douleur et la claudication provoquées par l'écrasement musculaire .Puis nous allons voir le pont suspendu qui permet de traverser la rivière Dakba : celui-ci est un modèle routier mais il y en a des centaines d'autres fabriqués en bambous , uniquement pour les piétons, dans la jungle .


           Nous reprenons les 4x4 pour aller visiter l'Eglise de Bois , construite en 1916 par les Français : l'architecte s'est toutefois inspiré des constructions Ba Nas avec ce chapelet de  petits porches extérieurs qui s'alignent sur chaque flanc . Les marches qui permettent d'accéder au péron sont en teck . A cette époque un orphelinat  tenu par des soeurs  jouxtait l'édifice : elles recueillaient les  enfants abandonnés dans la jungle  , nombreux ,car les Vietnamiens rejetaient les bébés de mère décédée en couches . Pour eux ils s'agissaient d'enfants possédés par le diable .Dans le parc arboré qui l'entoure Tchin-tchin nous montre un cactus qui parasite un arbre immense en grimpant jusqu'au sommet : c'est ce cactus qui produit les fameux "fruits du dragons" que nous mangeons chaque matin . Nous voyons aussi une autre variété d'arbres que nous ne connaissons pas : il s'agit du cajoutier , introduit par les Français au même titre que l'Hévéa et les Caféiers . Il parait que depuis le Vietnam est le premier producteur de noix de cajou au monde .


        Vers 9h00 nous prenons la direction de Pleiku .Pour cela ,il faut d'abord traverser la rivière Dagba , mais cette fois sur un pont normal en béton .Ce matin il  fait grand beau avec un ciel  d'un bleu immaculé et   les verts de la campagne environnante sont éclatants ,surtout  celui des caféiers aux feuilles vernissées .Dans les villages que nous traversons les paysans font sécher leur production de graines de café non décortiquées au soleil , ce qui leur donne une couleur presque noire . Après une demi-heure passée sur la grand route , nous prenons une voie secondaire à gauche pour assister à la récolte du thé : de jeunes paysannes couvertes d'un chapeau pointu arrachent à pleines mains les jeunes feuilles  du dessus qu'elles enfoncent dans un grand sac attaché à leur taille . Tchin-tchin nous explique qu'ici au Vietnam on consomme le thé vert dont les feuilles sont juste séchées au soleil . Lorsqu'on l'infuse sous cette forme ,le goût est plus prononcé et  il entretiendrait mieux la jeunesse .Pour le thé noir, tel qu'on l'utilise chez nous ,il est sécher et aussi passé au four plusieurs fois avec une température qui augmente progressivement , pouvant atteindre 80 degrés . Après infusion , il se révèle plus doux que le vert .Il parait que la plupart des gens que nous voyons travailler dans les plantations du coin sont des Viets du nord déplacés autoritairement par les dirigeants . On profite de cet arrêt pour photographier les champs de caféiers voisins .Ici les paysans ont creusé la terre autour de chaque arbuste pour garder l'humidité  le plus longtemps possible .Comme nous sommes à 800 mètres d'altitude c'est de l'Arabica qui est cultivé dans le secteur , le Robusta poussant entre 200 et 450  mètres d'altitude .Un peu plus loin nous reconnaissons les grands poteaux de béton enrubannés de lianes de poivriers  . En continuant sur la même petite route nous tombons sur un temple bouddhiste doté d'une pagode en forme de tour carré de six à sept étages .Un bonze vient nous chercher pour nous montrer un grand bouddha couché de plus de 15 mètres de long exhibant une croix gammée sur le torse(c'est le  fameux Svastika des bouddhistes qui inspira  Hitler) .Dans la cour de petits bouddhas , un doigt en l'air semble sortir de choux : il s'agit de bouddhas naissants , alors que la position couché du grand , traduit qu'il est aux portes du Nirvana .



            Après avoir traversé une mer de théiers et de caféiers , nous arrivons au lac de Pleiku . Nous traversons un de ses bras en empruntant la digue du barrage puis un second sur un pont suspendu branlant à souhait : il faut dire qu'il est limité à une tonne et demi alors que nos 4x4 avec les bagages pèsent bien 2 tonnes ! Nous nous arrêtons ensuite dans un café pour goûter le thé , très léger et le café que nous trouvons excellent . Ragaillardis par cette petite pause tonique , nous partons à la découverte du village voisin appartenant à l'ethnie Rongao ; ils sont encore 13 000  . L'ethnie la plus importante est celle des Ba Nas alors que la communauté la plus petite , les Silas originaire du Tibet , ne dépasse pas 230 âmes . Il parait que de ce fait ils souffrent de consanguinité ; comme il existe un ethnique identique en Chine ,le gouvernement des deux pays favorisent les échanges pour limiter cette consanguinité .En arpentant les rues du village , Tchin-tchin  nous montre des noix d'arec séchant au soleil, celles qui se  mâchent avec le bétel ,  des herbes médicinales que l'on met dans un linge pour servir d'oreiller . Plus loin nous assistons au séchage du café et du riz directement sur le sol . Les Rongao cultivent aussi le murier dont les feuilles servent à nourrir les vers à soie . Malheureusement pour nous les Rongao sont relogés dans des habitations en bétons sans caractère , même la maison commune ressemble à un blockhaus peint de couleur vive et décorée de drapeaux,  du parti! Partout en haut des pylônes nous voyons les hauts parleurs de la propagande cracher leur venin! Une sacrée déception  cette visite de village Rongao !!




   












    Nous reprenons les véhicules pour gagner le centre de Pleiku , qui se révèle être une grande ville par rapport aux petits villages que nous avons traversé depuis Kon Tum . Tchin-tchin nous trouve une cantine où la taulière nous  sert un bol de pâtes de riz agrémenté de morceaux de viande bouillie , de pousses de soja et d'une sauce à base de nuoc man . Elle accompagne ça d'un pho où baignent des moreaux de saucisson assez caoutchouteux et d'une assiette de verdure où le basilic côtoie la salade , la menthe et autres plantes aromatiques . Nous mangeons pour 40 000 dongs par personnes soit moins de 2 dollars US !














        Cette après midi nous devons faire la route de Buon Ma Thuot, distante de 150 km . Nous arrêtons juste à la sortie de Pleiku car Tchin-tchin veut nous montrer un verger où poussent des cactus donnant des"fruits du dragon" , jolis fruits roses tyrien dotés de cornes avec une chaire blanche parsemée de petit grains noirs . Parfois la chair peut être rouge, comme une betterave rouge de chez nous, mais le goût est tout aussi fade . Les cactus sont attachés sur des tuyaux, courant  d'un piquet en béton à l'autre , à un mètre du sol . Ce n'est pas la saison de production , malheureusement pour nous, car les vergers doivent être magnifiques dans ce cas ! Nous reprenons la route sur à peine vingt  bornes pour prendre un café cette fois ,et aussi goûter  le fruit du jaquier que nous avons acheté hier avant d'arriver à Kon Tum . Lorsque Tchin-tchin ouvre l'énorme boule couverte de grosses , tous les autochtones présents se moquent de lui d'autant  qu'une pâte blanche et gluante dégouline de la tranche jaune couverte de gros pépins . Heureusement que la qualité  exceptionnelle du café servi fait vite oublier la" frustration jaquier"! Tu es bien un citadin d'Hanoï , Tchin-tchin , ce n'est pas donner à tout le monde de choisir de bons fruits !! Surtout ceux du  jaquier, apparemment.... ! Comme on musarde pas mal depuis ce matin  , il commence à être temps de tailler la route ,maintenant ! On dirait que l'on glandouille beaucoup aujourd'hui !!
         Dès que nous reprenons la route , nous traversons une zone vallonnée où les paysans cultivent surtout le poivrier . C'est amusant de voir toutes ces perches de bois se dresser à flanc de coteau avec leur manchon de lianes qui leur grimpent jusqu'au cou . Plus loin , lorsque nous regrimpons sur le plateau , ce sont des champs de patate douce qui semblent travaillés à la fourchette avec leurs sillons parallèles qui courent jusqu'à l'horizon . En traversant un village nous doublons un scooter dont le chauffeur , très original , promène ses perruches perchées sur des bambous accrochés sur son porte-bagage . Ca vaut le déplacement de voir ces volatiles regarder les voitures passer sans la moindre frayeur ! Plus nous rapprochons de Buon Ma Thuo , plus la circulation s'intensifie : il faut dire qu'à partir de 16h30 , c'est la sortie des écoles et on constate un peu partout que les Vietnamiens sont des parents très attentionnés vis à vis de leurs enfants au point de venir les chercher en scooter . Lors d'une discussion , Tchin-tchin nous avait expliqué qu'au Vietnam l'éducation primaire est totalement prise en charge par l'état ce qui fait que le pays est en tête des statistiques pour l'alphabétisation . Par contre l'enseignement secondaire et universitaire est entièrement à la charge des parents , ce qui fait que très peu d'enfants y ont accès ; de plus sa qualité laisse à désirer . Résultat les enfants de la nomenclatura étudient dans les universités étrangères , même aux USA . Les 3 millions de combattants vietcongs restés sur les champs de batailles doivent se retourner dans leur tombe !
     





            Malgré tout nous arrivons à Buon Ma Thuot vers 17h00 pour prendre possession de notre chambre dans la foulée  à l'hôtel Damsan . Pendant que nous piquons une tête à la piscine Tchin-tchin vient nous prévenir qu'il a préparé un punch pour nous  et qu'il l'a mis au frais dans le frigo de l'hôtel .
Comme le Damsan est très excentré , nous décidons d'un commun accord de manger sur place ce soir et nous ne le regrettons pas . Oh non , pas à cause de la qualité des mets  comme on pourrait le croire, bien que celle-ci  soit correcte! Mais à cause du fou rire général , même du personnel, occasionné par les quiproquo de la commande .Il nous faut pas moins de trois quart d'heure pour parvenir à commander quatre portions de crevettes grillées à l'ail et quatre autres au curry ! Nous nous en sortons avec 4 dollars par personne, boisson comprise, dans un hôtel 3 étoiles !! Vietnamiennes certes,mais quand même ! Heureusement qu'il y avait le punch de Tchin-tchin pour meubler l'attente .










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