Quel bonheur d'avoir une chambre aussi bien située !
Ce matin nous nous réveillon face à un méandre de la rivière Dakba
dont les eaux paisibles offrent un incomparable miroir au nuage
dorés par le soleil levant . Un léger lit de brume masque le pied
des petites montagnes coniques qui barrent l'horizon .Sur les
rives , le damier des cultures maraichères nous offre un
magnifique camaïeu de verts : avec la chaude lumière du levant
c'est un véritable concours qui s'organise , à savoir quelle
parcelle sera la plus éclatante . Une véritable estampe orientale
qu'il faut vite saisir car c'est un spectacle aussi beau
qu'éphémère . Comme hier soir nous sommes arrivés tardivement ,
nous avons du alléger notre programme sur Kon Tum . Aussi nous
avions prévu un rendez vous à 6h45 pour un premier café avant
d'attaquer les visites . Mais pour finir , comme nous sommes prêts
de bonheur , nous descendons prendre le petit déjeuner directement
.




Nous commençons notre exploration matinale par celle
d'un "rong" d'origine Ba Nas , c'est à dire une maison
communautaire . Construite en bois , la charpente est faite
uniquement avec un complexe assemblage de fin troncs d'eucalyptus
réunis entre eux par des liens végétaux . La pente du toit fait
de feuilles de latanier est vertigineuse : c'est pour que les
pluies diluviennes des moussons glissent le plus possible et aussi
pour éviter la surcharge lorsque le chaume est trempé . La
faitière , légèrement galbée , lui donne une allure de fer de
hache . Construite sur pilotis , on y accède en grimpant un
escalier creusé dans un tronc .Parvenus sur une terrasse , nous
pouvons entrer dans le rong dont la hauteur intérieure donne le
vertige lorsque nous levons les yeux . Tchin-tchin nous explique
que le toit est fabriquer d'un seul morceau sur le sol , puis une
trentaine de villageois s'installent de chaque côté pour pousser
vers le groupe d'en face ,la faitière montant ainsi vers le ciel .
Quand on a pas de grue, on a forcément des idées ! En sortant du
rong ,je passe à travers l'une ds planches de la terrasse : je me
retrouve par terre avec le membre inférieur droit qui pend
lamentablement dans le vide . Par chance je ne rencontre pas de
clou dans ma chute, juste du bois qui me provoque des éraflures
sur la jambe et la cuisse .Le plus gênant est la douleur et la
claudication provoquées par l'écrasement musculaire .Puis nous
allons voir le pont suspendu qui permet de traverser la rivière
Dakba : celui-ci est un modèle routier mais il y en a des
centaines d'autres fabriqués en bambous , uniquement pour les
piétons, dans la jungle .




Nous reprenons les 4x4 pour aller visiter l'Eglise de
Bois , construite en 1916 par les Français : l'architecte s'est
toutefois inspiré des constructions Ba Nas avec ce chapelet de
petits porches extérieurs qui s'alignent sur chaque flanc . Les
marches qui permettent d'accéder au péron sont en teck . A cette époque un orphelinat tenu par des soeurs jouxtait l'édifice : elles recueillaient les enfants abandonnés dans la jungle , nombreux ,car les Vietnamiens rejetaient les bébés de mère décédée en couches . Pour eux ils s'agissaient d'enfants possédés par le diable .Dans le
parc arboré qui l'entoure Tchin-tchin nous montre un cactus qui
parasite un arbre immense en grimpant jusqu'au sommet : c'est ce
cactus qui produit les fameux "fruits du dragons" que nous
mangeons chaque matin . Nous voyons aussi une autre variété
d'arbres que nous ne connaissons pas : il s'agit du cajoutier ,
introduit par les Français au même titre que l'Hévéa et les
Caféiers . Il parait que depuis le Vietnam est le premier
producteur de noix de cajou au monde .




Vers 9h00 nous prenons la direction de Pleiku .Pour cela
,il faut d'abord traverser la rivière Dagba , mais cette fois sur
un pont normal en béton .Ce matin il fait grand beau avec un
ciel d'un bleu immaculé et les verts de la campagne
environnante sont éclatants ,surtout celui des caféiers aux
feuilles vernissées .Dans les villages que nous traversons les
paysans font sécher leur production de graines de café non
décortiquées au soleil , ce qui leur donne une couleur presque
noire . Après une demi-heure passée sur la grand route , nous
prenons une voie secondaire à gauche pour assister à la récolte du
thé : de jeunes paysannes couvertes d'un chapeau pointu arrachent
à pleines mains les jeunes feuilles du dessus qu'elles enfoncent
dans un grand sac attaché à leur taille . Tchin-tchin nous
explique qu'ici au Vietnam on consomme le thé vert dont les
feuilles sont juste séchées au soleil . Lorsqu'on l'infuse sous
cette forme ,le goût est plus prononcé et il entretiendrait mieux
la jeunesse .Pour le thé noir, tel qu'on l'utilise chez nous ,il
est sécher et aussi passé au four plusieurs fois avec une
température qui augmente progressivement , pouvant atteindre 80
degrés . Après infusion , il se révèle plus doux que le vert .Il parait que la plupart des gens que nous voyons travailler dans les plantations du coin sont des Viets du nord déplacés autoritairement par les dirigeants . On
profite de cet arrêt pour photographier les champs de caféiers
voisins .Ici les paysans ont creusé la terre autour de chaque
arbuste pour garder l'humidité le plus longtemps possible .Comme
nous sommes à 800 mètres d'altitude c'est de l'Arabica qui est
cultivé dans le secteur , le Robusta poussant entre 200 et 450
mètres d'altitude .Un peu plus loin nous reconnaissons les grands
poteaux de béton enrubannés de lianes de poivriers . En
continuant sur la même petite route nous tombons sur un temple
bouddhiste doté d'une pagode en forme de tour carré de six à sept
étages .Un bonze vient nous chercher pour nous montrer un grand
bouddha couché de plus de 15 mètres de long exhibant une croix
gammée sur le torse(c'est le fameux Svastika des bouddhistes qui inspira Hitler) .Dans la cour de petits bouddhas , un doigt en
l'air semble sortir de choux : il s'agit de bouddhas naissants ,
alors que la position couché du grand , traduit qu'il est aux
portes du Nirvana .




Après avoir traversé une mer de théiers et de
caféiers , nous arrivons au lac de Pleiku . Nous traversons un de
ses bras en empruntant la digue du barrage puis un second sur un
pont suspendu branlant à souhait : il faut dire qu'il est limité à
une tonne et demi alors que nos 4x4 avec les bagages pèsent bien 2
tonnes ! Nous nous arrêtons ensuite dans un café pour goûter le
thé , très léger et le café que nous trouvons excellent .
Ragaillardis par cette petite pause tonique , nous partons à la
découverte du village voisin appartenant à l'ethnie Rongao ; ils
sont encore 13 000 . L'ethnie la plus importante est celle des Ba
Nas alors que la communauté la plus petite , les Silas originaire
du Tibet , ne dépasse pas 230 âmes . Il parait que de ce fait ils
souffrent de consanguinité ; comme il existe un ethnique identique
en Chine ,le gouvernement des deux pays favorisent les échanges
pour limiter cette consanguinité .En arpentant les rues du village
, Tchin-tchin nous montre des noix d'arec séchant au soleil,
celles qui se mâchent avec le bétel , des herbes médicinales que
l'on met dans un linge pour servir d'oreiller . Plus loin nous
assistons au séchage du café et du riz directement sur le sol .
Les Rongao cultivent aussi le murier dont les feuilles servent à
nourrir les vers à soie . Malheureusement pour nous les Rongao
sont relogés dans des habitations en bétons sans caractère , même
la maison commune ressemble à un blockhaus peint de couleur vive
et décorée de drapeaux, du parti! Partout en haut des pylônes
nous voyons les hauts parleurs de la propagande cracher leur
venin! Une sacrée déception cette visite de village Rongao !!





Nous reprenons les véhicules pour gagner le centre de
Pleiku , qui se révèle être une grande ville par rapport aux
petits villages que nous avons traversé depuis Kon Tum .
Tchin-tchin nous trouve une cantine où la taulière nous sert un
bol de pâtes de riz agrémenté de morceaux de viande bouillie , de
pousses de soja et d'une sauce à base de nuoc man . Elle
accompagne ça d'un pho où baignent des moreaux de saucisson assez
caoutchouteux et d'une assiette de verdure où le basilic côtoie la
salade , la menthe et autres plantes aromatiques . Nous mangeons
pour 40 000 dongs par personnes soit moins de 2 dollars US !



Cette après midi nous devons faire la route de Buon
Ma Thuot, distante de 150 km . Nous arrêtons juste à la sortie de
Pleiku car Tchin-tchin veut nous montrer un verger où poussent des
cactus donnant des"fruits du dragon" , jolis fruits roses tyrien
dotés de cornes avec une chaire blanche parsemée de petit grains
noirs . Parfois la chair peut être rouge, comme une betterave
rouge de chez nous, mais le goût est tout aussi fade . Les cactus
sont attachés sur des tuyaux, courant d'un piquet en béton à
l'autre , à un mètre du sol . Ce n'est pas la saison de production
, malheureusement pour nous, car les vergers doivent être
magnifiques dans ce cas ! Nous reprenons la route sur à peine
vingt bornes pour prendre un café cette fois ,et aussi goûter le
fruit du jaquier que nous avons acheté hier avant d'arriver à Kon
Tum . Lorsque Tchin-tchin ouvre l'énorme boule couverte de grosses
, tous les autochtones présents se moquent de lui d'autant qu'une
pâte blanche et gluante dégouline de la tranche jaune couverte de
gros pépins . Heureusement que la qualité exceptionnelle du café
servi fait vite oublier la" frustration jaquier"! Tu es bien un
citadin d'Hanoï , Tchin-tchin , ce n'est pas donner à tout le
monde de choisir de bons fruits !! Surtout ceux du jaquier,
apparemment.... ! Comme on musarde pas mal depuis ce matin , il
commence à être temps de tailler la route ,maintenant ! On dirait
que l'on glandouille beaucoup aujourd'hui !!
Dès que nous reprenons la route , nous traversons une zone vallonnée où les paysans cultivent surtout le poivrier . C'est amusant de voir toutes ces perches de bois se dresser à flanc de coteau avec leur manchon de lianes qui leur grimpent jusqu'au cou . Plus loin , lorsque nous regrimpons sur le plateau , ce sont des champs de patate douce qui semblent travaillés à la fourchette avec leurs sillons parallèles qui courent jusqu'à l'horizon . En traversant un village nous doublons un scooter dont le chauffeur , très original , promène ses perruches perchées sur des bambous accrochés sur son porte-bagage . Ca vaut le déplacement de voir ces volatiles regarder les voitures passer sans la moindre frayeur ! Plus nous rapprochons de Buon Ma Thuo , plus la circulation s'intensifie : il faut dire qu'à partir de 16h30 , c'est la sortie des écoles et on constate un peu partout que les Vietnamiens sont des parents très attentionnés vis à vis de leurs enfants au point de venir les chercher en scooter . Lors d'une discussion , Tchin-tchin nous avait expliqué qu'au Vietnam l'éducation primaire est totalement prise en charge par l'état ce qui fait que le pays est en tête des statistiques pour l'alphabétisation . Par contre l'enseignement secondaire et universitaire est entièrement à la charge des parents , ce qui fait que très peu d'enfants y ont accès ; de plus sa qualité laisse à désirer . Résultat les enfants de la nomenclatura étudient dans les universités étrangères , même aux USA . Les 3 millions de combattants vietcongs restés sur les champs de batailles doivent se retourner dans leur tombe !





Malgré tout nous arrivons à Buon Ma Thuot vers 17h00 pour
prendre possession de notre chambre dans la foulée à l'hôtel Damsan .
Pendant que nous piquons une tête à la piscine Tchin-tchin vient nous
prévenir qu'il a préparé un punch pour nous et qu'il l'a mis au frais
dans le frigo de l'hôtel .
Comme le Damsan est très excentré , nous décidons d'un commun accord de manger sur place ce soir et nous ne le regrettons pas . Oh non , pas à cause de la qualité des mets comme on pourrait le croire, bien que celle-ci soit correcte! Mais à cause du fou rire général , même du personnel, occasionné par les quiproquo de la commande .Il nous faut pas moins de trois quart d'heure pour parvenir à commander quatre portions de crevettes grillées à l'ail et quatre autres au curry ! Nous nous en sortons avec 4 dollars par personne, boisson comprise, dans un hôtel 3 étoiles !! Vietnamiennes certes,mais quand même ! Heureusement qu'il y avait le punch de Tchin-tchin pour meubler l'attente .
T'as oublié l'histoire de l'orphelinat dans l'église
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