DIX-NEUVIEME JOUR : LE 28 OCTOBRE 2019




      Avec Tchin-tchin nous avons décidé de partir vers 8h00 car nous  avons prés de deux cent bornes de route au programme et surtout  la sortie de Saïgon avec sa circulation infernale . Nous avons prévu de continuer notre traversée de la Cochinchine vers le sud en direction de Can Tho . Il parait qu'aujourd'hui nous sommes le premier jour du mois lunaire , donc un jour de grande dévotion pour les bouddhistes .

                Une fois sortie de Saïgon , la route devient très vite monotone. Aussi nous engageons une discussion à  bâtons rompus avec Tchin-Tchin .Il nous explique qu'il y a eu ,en tous , trois vagues de émigrations : la première pour des raisons politiques ,la seconde  par nécessité économique ,et l'actuelle pour l'éducation des enfants, car ici au Vietnam le système éducatif est nul surtout à partir du secondaire . Je lui parle alors de l'article que j'ai lu  dans le journal hier à hôtel , en attendant Annie et Christian . Je vous rassure  tout de suite , il n'était écrit en vietnamien mais en anglais ! On vient d'arrêter le  directeur de l' Education Nationale pour corruption ; il aurait vendu des sujets d'examen et fait falsifier les notes du fils d'un de ses collègues moyennant la somme de 300 millions  de dongs , soit 15 000 dollars . Je lui fait remarquer que c'est cher payé de perdre une place de ministre pour une somme si faible . "Non ,Pierre , mais cette somme ce n'est rien , c'est le bout de l'iceberg qui dépasse !"

















        Il nous raconte  ensuite la vie de son meilleur copain ,dont le père était colonel d'aviation dans l'armée du sud .Ce jeune camarade alors agé de 15 ans est déposé , comme chaque jour ,devant son école  par un troufion en jeep . Pendant la classe, Saïgon tombe aux mains de l'armée du nord et le gamin est aussitôt dénoncé par d'autres élèves comme étant fils de colonel . Le père sera interné en camps de rééducation pendant 13 ans . Le jeune saïgonnais , interdit d'école,  doit travailler sur les routes ou dans les chantiers pour nourrir sa famille car il est l'ainé . Par la suite ,il arrive à faire partir ses frères et  soeurs comme "boat people". Par chance pour eux, ils sont arrivés sains et sauf aux USA et en Australie .Resté seul au Vietnam et condamné par le système communiste à exercer de petits boulots , il est là lorsque son père sort de l'enfer des camps .       





















        En 1975 le gouvernement communiste avait demandé aux intellectuels de participer aux décisions  nationales en donnant leurs avis et leurs conseils . Au bout de six mois , lorsqu'ils furent tous connus , fichés et étiquetés , il furent envoyés dans des camps de rééducation .Depuis les Vietnamiens n'ont plus confiance en leurs dirigeants . Ce n'était pas la première fois que les pouvoirs publics agissaient de la sorte . A une certaine époque une rumeur courait que la monnaie allait changer . Le ministre des finances de l'oncle Ho  certifia alors, que c'était faux dans une allocution à la radio et à la télé . Le lendemain, il y avait une dévaluation de 10 pour cent et il était interdit aux Vietnamiens de changer plus de 15 000 dongs en 1500 nouveaux dongs .Le reste pouvait partir à la poubelle . Le père de Tchin-tchin  faisait des traductions de bouquins la nuit pour mettre un peu d'argent de  côté , son  salaire de journaliste étant trop maigre . Lui aussi a tout perdu .Encore une sérieuse raison de ne plus faire confiance en l'Etat pour le Vietnamien lambda .





















            La période la plus dure pour Tchin-tchin fut la famine qui sévit entre 1982 et 1986 . Alors qu'il était gamin , il devait aller faire la queue dès 4h00 du matin avec des tickets de rationnement en espérant qu'il reste quelque chose à distribuer lorsque son tour viendrait .Malgré tout ,l'insouciance des enfants etaient la plus forte et de ce fait les gosses retenaient leur place  dans la file en laissant leur sandales en pneus de voiture  .Cette famine était la conséquence indirecte  de la réforme agraire communiste avec la confiscation des terres  puis  sa redistribution aux paysans  .Comme le système ne fonctionnait pas , on créa des coopératives et ce fut l'effondrement de la production . Une autre réforme entraîna  de même ,des catastrophes à la suite d'une décision ministérielle qui  voulait calquer ce qui se faisait dans le nord , c'est à dire dans le bassin du fleuve rouge avec trois récoltes de riz par an , pour l'introduire dans le bassin du Mékong où il n'y avait qu'une seule récolte par an . On a construit des digues pour éviter l'inondation des terres qui dure 6 mois de l'année mais qui permet à celle -ci de se reposer et en même temps de s'enrichir avec le dépôts des alluvions . Au bout de quelques années la terre s'est appauvrie et les rendements ont diminué  .Résultat ,on  a fait marche-arrière en demandant aux paysans de supprimer les digues !!




            Malgré cette discussion fort intéressante , nous voyons le paysage changer après avoir emprunter deux grands ponts enjambant des bras du Mékong . Partout , à perte de vue,  nous voyons la plaine envahie de cocotiers . Nous arrivons en face de l'île de Ba Tré (prononcé "ben ché ") . Nous abandons les 4x4 pour grimper à bord d'une pirogue à moteur qui se met à descendre un bras du Mékong .Les rives sont envahies de palmes de lataniers qui viennent mourir jusque  dans l'eau . Nous ne tardons pas à croiser des sortes de jonques en bois, transportant d'énormes chargements de noix de coco ,et aussi des péniches chargées de graviers dont le plat-bord rase la surface de la rivière . Sur notre gauche nous voyons les clochers d'une petite église en réfection ; d'après Tchin-tchin , il s'agit d'une église caodiste : c'est une religion qui réunit 1,5 millions de croyants au Vietnam  et date de 1930 . Elle suit  certains préceptes du catholicisme , du bouddhisme ,et de l'islam  et a la particularité d'avoir sanctifié des personnalités du monde politiques comme Sun Yat Sen ,ou  littéraire  tel que Victor Hugo  ! Curieux mélange qui coûta la vie à son prophète lorsqu'il leva une  milice contre les Vietcong  .Nous  faisons une première escale dans une ancienne briqueterie artisanale avec de curieux fours en forme de grosses cloches à fromage . Ici on utilisait le son du riz séché pour chauffer les fours . On voit encore des stocks d'anciennes briques pleines et de briques creuses plus récentes  .
            Nous reprenons notre pirogue à moteur pour nous arrêter un peu plus loin, mais cette fois sur la rive droite, dans une fabrique de bonbons à base de lait de coco . Ici on utilise la noix de coco en fin de maturité : il faut dans un premier temps la débarrasser de son épaisse enveloppe de fibres . Celles-ci servent de combustible , ou  à fabriquer des chapeaux ,ou même du textile pour les vêtements . Ensuite ,on casse la noix en deux . On en râpe la chair blanche pour en faire des gâteaux ou on l'écrase pour obtenir du lait .Une fois cuit , le lait  brunit et s'épaissit en perdant son eau par chauffage prolongé ; on obtient alors du caramel en le laissant refroidir . Il peut être additionné de cacahuètes  ou de gingembres .Comme c'est excellent nos chères épouses , en gourmandes impénitentes , en achètent six  boites chacune .On nous convie ensuite à une dégustation de fruits accompagnés de thé au miel .

















            Nous reprenons notre pirogue pour quitter rapidement le Mékong et prendre à droite  un bras secondaire ; ensuite nous remontons un réseau de petits arroyos . Ce sont des canaux creusés par  l'homme, qui servent à irriguer et aussi à pêcher en  fermant l'entrée avec un filet lorsque la marée s'inverse . C'est superbe cette balade parmi les palmiers qui se penchent sur l'eau . Nous allons maintenant visiter un atelier de fabrication de nattes . Sur un large métier à tisser fixer au sol , une mère glisse  en travers de la trame de longs roseaux blanchis à la chaux que sa fille serre  à l'aide d'un grand peigne . Nous empruntons ensuite deux Chuck-tchuks ,pour  arriver à nous caser tous les neufs, afin de nous rendre dans un resto sympa . Bien sur le pilote met un certain zèle à conduire comme un fou dans d'étroits chemins qui tournent souvent à angle droit parmi les marigots envahis de lataniers .La taulière nous installe sous une  paillote privative au milieu d'un bassin envahi de plantes aquatiques  . Sur une table magnifiquement  dressée , on nous sert un pho avec des beignets de bananes et deux superbes poissons grillés, dressés verticalement dans le plat . On doit par nous même, fabriquer nos nems en roulant dans une feuille de riz , un morceau d'ananas , une frite de concombre ,du poisson et des nouilles de riz . Il faut  alors bien serré en roulant le tout et il n'y a plus qu'à tremper dans l'une des sauces présente sur la table :  citron vert et sel , sauce pimentée , aigre douce ou soja .On nous sert ensuite du riz cantonais et des pâtes au liseron et au poulet .Nous avons même droit à une tranche d'ananas en guise de dessert .

















            Après le repas nous partons pour une balade en sampan que manoeuvre un vieux godilleur avec beaucoup de dextérité , les arroyos étant étroits dans le secteur  . C'est vraiment très agréable de se promener parmi les lataniers aux palmes immenses qui s'inclinent nonchalamment sur l'eau . Il faut souquer car nous remontons le courant qui semble assez violent . Une demi-heure plus tard nous récupérons les 4x4 pour quitter définitivement l'ile de Ba Tré . Nous reprenons notre descente plein sud vers Can Tho  en traversant une plaine riche en vergers : toutes les variétés de fruits du Vietnam poussent ici dans le delta du Mékong . C'est aussi une région spécialisée dans la production textile , à cause de la nombreuse main d'oeuvre très jeune et de la proximité de grandes voies navigables . Nous traversons encore deux grands bras du Mékong en empruntant d' immenses pont suspendus . Sous le dernier les bateaux de haute mer peuvent largement passer , il faut dire qu'ici le fleuve mesure plus d'un kilomètre de largeur . Comme hier, à peu prés à la même heure, nous ramassons une pluie diluvienne qui a vite fait d'inonder les rues des villages que nous traversons . Il est un peu moins de 18h00 lorsque nous nous installons à l'hôtel Kim Tho après une très belle journée de visite avec , cerise sur le gâteau , Tchin-tchin à notre bord . Encore merci pour toutes ses explications . Après une heure de repos , nous sortons visiter Can Tho by night , en particulier le quai sur un bras du Mékong où sont amarés des bateaux-restaurants tout illuminés . Après avoir arpenté les rives du fleuve et fait quelques clichés des nombreuses enseignes lumineuses qui se reflètent dans le port , nous nous fourvoyons dans une taule qui se donne des allures de resto japonais . Adresse à éviter !











   

Commentaires

Articles les plus consultés